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Et les voilà [Jacques et son Maître] embarqués
dans une querelle interminable sur les femmes : lun prétendant
quelles étaient bonnes, lautre méchantes, – et
ils avaient tous deux raison ; lun sottes, lautre pleines desprit,
– et ils avaient tous deux raison ; lun fausses, lautre vraies,
et ils avaient tous deux raison ; lun avares, lautre
libérales, – et ils avaient tous deux raison ; lun belles,
lautre laides, – et ils avaient tous deux raison ; lun bavardes,
lautre discrètes ; lun franches, lautre dissimulées
; lun ignorantes, lautre éclairées ; lun
sages, lautre libertines ; lun folles, lautre sensées
; lun grandes, lautre petites, – et ils avaient tous deux raison.
En suivant cette dispute, sur laquelle ils auraient pu faire le tour du
globe sans déparler un moment et sans saccorder, ils furent
accueillis par un orage qui les contraignit de sacheminer
–
Où ? – Où ? lecteur, vous êtes dune
curiosité bien incommode ! Et que diable cela vous fait-il ?
Quand je vous aurai dit que cest à Pontoise ou à Saint-Germain,
à Notre-Dame de Lorette ou à Saint-Jacques de Compostelle,
en serez-vous plus avancé ? Si vous insistez, je vous dirai
quils sacheminèrent vers
Oui ; pourquoi pas ?
vers un château immense, au frontispice duquel on lisait : "
Je nappartiens à personne et jappartiens à
tout le monde. Vous y étiez avant que dy entrer, et vous y
serez encore quand vous en sortirez. " – Entrèrent-ils dans
ce château ? – Non, car linscription était fausse,
ou ils y étaient avant que dy entrer. – Mais du moins ils en
sortirent ? – Non, car linscription était fausse, ou ils
y étaient encore quand ils en furent sortis. – Et que firent-ils
là ? – Jacques disait ce qui était écrit là-haut
; son maître, ce quil voulut : et ils avaient tous deux raison.
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