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  Amie lectrice, ami lecteur,  

Qui que tu sois, où que tu sois, naviguant sur ce site, souviens-toi...
Souviens-toi toujours, comme de l’Étoile polaire, de l’invite « Aux lecteurs », placée à l’ouverture de La Vie très horrifique du grand Gargantua. Ce dizain dit l’essentiel, en dix vers comme en mille. Reviens-y, dans le doute : elle est notre planche de salut.
Et n’oublie pas non plus la quintessence : « Vivez joyeux ! » Jadis comme naguère, demain encore, hier ou aujourd’hui, tout le reste est littérature.
         
Amis lecteurs
vivez joyeux.
 

« Amis lecteurs qui ce livre lisez,
Despouillez vous de toute affection,
Et le lisant ne vous scandalisez.
Il ne contient mal ne infection.
Vray est qu’icy peu de perfection
Vous apprendrez, si non en cas de rire.
Aultre argument ne peut mon cueur elire.
Voyant le dueil, qui vous mine et consomme,
Mieulx est de ris que de larmes escrire,
Pour ce que rire est le propre de l’homme.

Vivez Joyeulx. »

 
         
         
Il se peut, sympathique ami lecteur, que vous soyez vous-même une femme : ne vous en faites pas, ce sont des choses qui arrivent…
  « Il se peut, sympathique ami lecteur, que vous soyez vous-même une femme. Ne vous en faites pas, ce sont des choses qui arrivent. D’ailleurs ça ne modifie en rien ce que j’ai à vous dire. Je ratisse large. »  


         
Un suffisant lecteur.
  « Un suffisant lecteur découvre souvent ès écrits d’autrui des perfections autres que celles que l’auteur y a mises et aperçues, et y prête des sens et des visages plus riches. »  
         
Lecteur, joie, salut et santé, disaient autrefois nos bons aïeux après avoir fini leur conte...
  « Lecteur, joie, salut et santé, disaient autrefois nos bons aïeux après avoir fini leur conte. Pourquoi craindre d’imiter leur politesse et leur franchise ? Je dirai donc comme eux : lecteur, salut, richesse et plaisir ; si mes bavardages t’en ont donné, place-moi dans un joli coin de ton cabinet ; si je t’ai ennuyé, reçois mes excuses et jette-moi au feu. »  
         
Dieu me garde d’engager le lecteur à croire ce que je dis...
  « Après la dernière moitié du xviiie siècle, on a parlé de trois manières de connaître les hommes : la science de la physionomie, ou Lavater ; la forme ou la grosseur du cerveau, sur lequel se modèlent les os du crâne, ou Gall ; et enfin la connaissance approfondie des races Gaël, Kymri et Ibère (que l’on rencontre en France).
Dieu me garde d’engager le lecteur à croire ce que je dis ; je le prie d’observer par lui-même si ce que je dis est vrai. L’homme sensé ne croit que ce qu’il voit, et encore faut-il bien regarder. »
 
         
Je prétends avoir la liberté de langage : si cette liberté rend le lecteur malévole, je l’engage à fermer le livre...
  « Je me rappelle qu’au Moyen Âge, la gorge chez les femmes n’était pas à la mode ; celles qui avaient le malheur d’en avoir, portaient des corsets qui la comprimaient et la dissimulaient autant que possible. Le lecteur trouve peut-être ce souvenir un peu leste, je ne prends pas ce ton par recherche et comme moyen esprit, Dieu m’en garde ! mais je prétends avoir la liberté de langage. J’ai cherché une périphrase pendant vingt secondes et n’ai rien trouvé de clair. Si cette liberté rend le lecteur malévole, je l’engage à fermer le livre ; car, autant je suis réservé et plat à mon comptoir et dans les réunions avec mes collègues les hommes à argent, autant je prétends être naturel et simple en écrivant ce journal le soir. Si je mentais le moins du monde, le plaisir s’envolerait et je n’écrirais plus. Quel dommage ! »  
         
Hypocrite lecteur, – mon semblable, – mon frère !
 

« Si le viol, le poison, le poignard, l’incendie,
N’ont pas encor brodé de leurs plaisants dessins
Le canevas banal de nos piteux destins,
C’est que notre âme, hélas ! n’est pas assez hardie.

Mais parmi les chacals, les panthères, les lices,
Les singes, les scorpions, les vautours, les serpents,
Les monstres glapissants, hurlants, grognants, rampants,
Dans la ménagerie infâme de nos vices,

Il en est un plus laid, plus méchant, plus immonde !
Quoiqu’il ne pousse ni grands gestes ni grands cris,
Il ferait volontiers de la terre un débris
Et dans un bâillement avalerait le monde ;

C’est l’Ennui ! – L’œil chargé d’un pleur involontaire,
Il rêve d’échafauds en fumant son houka.
Tu le connais, lecteur, ce monstre délicat,
– Hypocrite lecteur, – mon semblable, – mon frère ! »

 
         
         
         
         
         
         
Adieu, ami lecteur...
  « Adieu, ami lecteur ; songez à ne pas passer votre vie à haïr et à avoir peur. »  
         
         
         
         
         
         

Paul, Première épître aux Thessaloniciens, v, 16 : Semper gaudete. – Trad. La Bible de Jérusalem, éditions du Cerf, « Pocket », 1998, p. 1980.
   
F. Rabelais (1483 ?-1553), La Vie treshorrificque du grand Gargantua, père de Pantagruel, jadis composée par M. Alcofribas, abstracteur de quinte essence : livre plein de pantagruelisme (1535 ?-1542), « Aux lecteurs » ; Gallimard, « Pléiade » : Œuvres complètes, 1994, p. 3.
   
M. Houellebecq (1958-…), Extension du domaine de la lutte : roman (1994), 3 ; Maurice Nadeau, 1994, p. 20.
   
Montaigne (1533-1592), Les Essais, I, chap. xxiv : « Divers événements de même conseil », P.U.F., « Quadrige », 1992, p. 127.
   
Sade (1740-1814), Historiettes, contes et fabliaux ; Pauvert, Œuvres complètes, t. ii, 1986, p. 196.
   
Stendhal (1783-1842), Mémoires d’un touriste (1838), Fontainebleau, 10 avril 1837 ; Gallimard, « Pléiade » : Voyages en France, 1992, p. 5.
   
Stendhal (1783-1842), Mémoires d’un touriste (1838), Lorient, 7 juillet 1837 ; Gallimard, « Pléiade » : Voyages en France, 1992, p. 299.
   
C. Baudelaire (1821-1867), Les Fleurs du mal (1857), « Au lecteur », v. 25-44 ; Seuil, « l’Intégrale » : Œuvres complètes, 1968, p. 43 b.
   
Stendhal (1783-1842), Lucien Leuwen, I, avertissement au « lecteur bénévole », explicit ; Gallimard, « Pléiade » : Romans et nouvelles, t. i, 1952, p. 767.
   
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