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  Cachot  

  « Cachot » désigne une cachette, c’est-à-dire un lieu où l’on cache. Le noir est sa couleur. C’est un trou obscur, sale et ténébreux.
 
 
     
Cachot, prison noire et obscure
  « Prison noire et obscure qui est au dessous du rez-de-chaussée, et où on ne gîte que sur la paille. On met dans les cachots les criminels condamnés ou accusés de grands crimes, ou qui font des rebellions dans la prison. »  
         
Petite prison basse et obscure dans une grande prison.
  « 1° Petite prison basse et obscure dans une grande prison.
2° En général, prison. »
 
         
Ce petit cachot où l’homme se trouve logé – j’entends l’univers…
  « Que l’homme étant revenu à soi considère ce qu’il est au prix de ce qui est, qu’il se regarde comme égaré dans ce canton détourné de la nature ; et que, de ce petit cachot où il se trouve logé, j’entends l’univers, il apprenne à estimer la terre, les royaumes, les villes et soi-même, son juste prix.
Qu’est-ce qu’un homme, dans l’infini ? »
 
         
Pascal décrivit notre vie comme une cellule où les captifs attendent qu’on vienne les chercher, à tour de rôle, pour l’exécution ; on pourrait décrire aussi les habitants du cachot allégorique de Pascal, l’oreille collée au mur, devinant de l’autre côté de la muraille, des présences et des voix qu’ils ne parviennent pas à comprendre ni à déchiffrer…
  « La communication coupée. – Dans le théâtre social des apparences, où personne ne parle vraiment à personne, où personne n’écoute personne et où personne ne répond, on fait grand tapage autour de ce qui manque le plus : les relations « humaines ». Les bateleurs sur | l’estrade n’ont que le mot communication à la bouche. On déplore gravement qu’un homme d’État en mauvais état ait des « problèmes de communication ». On se tourmente parce qu’un « message ne passe plus ». Et on annonce avec fierté qu’un personnage de la pièce vient d’engager à son service un « conseiller en communication ». Quant au contenu de la « communication », quant au sens du « message », il n’en est bien entendu jamais question.
Les vrais problèmes de « communication » entre les hommes n’ont aucun rapport avec les pitreries des experts en communication, des publicitaires et des manipulateurs de médias. Pascal inventa, deux siècles avant Kafka, le conte à la Kafka. Il décrivit notre vie comme une cellule où les captifs attendent qu’on vienne les chercher, à tour de rôle, pour l’exécution. On pourrait décrire aussi les habitants du cachot allégorique de Pascal, l’oreille collée au mur, devinant de l’autre côté de la muraille, des présences et des voix qu’ils ne parviennent pas à comprendre ni à déchiffrer. La littérature est ce passe-muraille qui tente de « faire passer » ce que disent les inconnus au-delà des murs. »
 
         
Un homme qui a un grand état dans le monde, a une prison plus grande et plus ornée ; celui qui n’y a qu’un petit état, est dans un cachot : l’homme sans état est le seul homme libre…
  « Un philosophe regarde ce qu’on appelle un état dans le monde, comme les Tartares regardent les villes, c’est-à-dire comme une prison. C’est un cercle où les idées se resserrent, se concentrent, en ôtant à l’âme et à l’esprit leur étendue et leur développement. Un homme qui a un grand état dans le monde, a une prison plus grande et plus ornée. Celui qui n’y a qu’un petit état, est dans un cachot. L’homme sans état est le seul homme libre, pourvu qu’il soit dans l’aisance, ou du moins qu’il n’ait aucun besoin des hommes. »  
         
Un homme libre, cela se reconnaît à ce qu’il finit au cachot.
  « Céline, lui, fut toujours seul ; ce n’est pas un médiéval attardé qui a la nostalgie du xiiie siècle, c’est un homme moderne, dans la solitude des foules, puis des guerres, puis des migrations. Il n’a pas d’ancêtres, ne se réclame ni de Bloy, ni de Péguy, ni de Drumont. Il n’a pas d’amis, sur terre ni au ciel. Ce n’est qu’un médecin de quartier, et pas le quartier du paradis. Il ne possède que sa femme et son chat ; il n’a jamais eu à renier de parti, n’en ayant pas ; ni de maître, étant son maître. Son confesseur, c’est le lecteur. Il est l’homme parfaitement libre.
Un homme libre, cela se reconnaît à ce qu’il finit au cachot. »
 
         
C’est déjà quelque chose que de changer de cachot.
  « La rue Marais est une prison : Shakespeare a répondu d’avance à Michel que le monde aussi en est une. Mais c’est déjà quelque chose que de changer de cachot. Quand on en est là, plusieurs voies s’offrent à l’évasion. L’une est la vie religieuse, mais le christianisme philistin de la famille fait précisément partie de ce que fuit Michel ; | il ne pensera à la Trappe, d’ailleurs assez peu sérieusement, que d’ici une trentaine d’années. L’Art, autant que possible avec une majuscule, est une autre issue, mais il ne se croit ni futur grand poète ni futur grand peintre. La voie la plus commode, à vue de nez du moins, est l’aventure ; elle viendra, mais la chiquenaude du hasard qui a cette date eût poussé Michel vers elle ne s’est pas produite : l’équipée d’Anvers l’a dégoûté d’aller tenter sa chance sur un cargo en partance pour les colonies. Quel élan ou quelle lubie l’a propulsé vers l’armée ? Peu de chose peut-être : un troupier flânant aux abords de la citadelle, des hommes passant sous ses fenêtres, musique en tête, comme du temps de la petite gouvernante anglaise ? En tout cas, ce que je sais de sa vie par la suite m’assure qu’une fois la décision prise il n’y a pas repensé deux fois. En janvier 1873, une lettre écrite d’un café parisien, sur le papier rayé et avec l’encre boueuse de l’établissement, apprit à Michel Charles et à Noémi, que leur fils s’était engagé. »  
         
         
         
         
         
         
         
         
         
         
         
         
         
         
         
         
         
         
         
         
         
         

   
A. Furetière (1619-1688), Dictionnaire universel (1690), s.v. « Cachot ».
   
É. Littré (1801-1881), Dictionnaire de la langue française, s.v. « Cachot ».
   
B. Pascal (1623-1662), Pensées, § 185 (Br. 72, Laf. 199) ; Gallimard, « Pléiade » : Œuvres complètes, t. ii, 2000, p. 609.
   
C. Roy (1915-1997), L’Étonnement du voyageur (1987-1989), « 1987 : Automne », “La communication coupée”, 9 octobre 1987 ; Gallimard, « NRF », 1990, p. 14-15.
   
Chamfort (1742-1794), Maximes et pensées, chap. IV : « Du goût pour la retraite et de la dignité du caractère », § 268 ; Vialetay Éditeur, « Prestige de l’Académie Française », Paris, 1970, p. 73.
   
P. Morand (1888-1976), Monplaisir… en littérature (1967), « Céline et Bernanos » ; Gallimard, « NRF », 1967, p. 260.
   
M. Yourcenar (1903-1987), Le Labyrinthe du monde, II, Archives du Nord, iie partie, « Rue Marais », 1977 ; Gallimard, « Pléiade » : Essais et mémoires, 1991, p. 1100-1101.
   
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