Retour au menu
Dernière édition MMIV Dé 21 - Minuit  
Retour en prison ‡‡ Seuil / Menu / Prison /
Coupable / Prison / Menu / Seuil ‡‡ Tour de prison
       
  Les fautes que nous pouvons commettre ne mènent pas toutes en prison. Aussi, tous les coupables ne vont pas en prison. Remarquer qu’un abîme – l’impunité, s’il faut l’appeler par un nom – sépare ces deux petites propositions.
       
On appartient à la populace tant qu’on fait toujours tomber la faute sur les autres ; on est sur le chemin de la vérité lorsque l’on n’en rend responsable que soi-même ; mais le sage ne considère personne comme coupable, ni soi-même ni un autre.
  « L’oreille qui fait défaut. – “On appartient à la populace tant qu’on fait toujours tomber la faute sur les autres ; on est sur le chemin de la vérité lorsque l’on n’en rend responsable que soi-même ; mais le sage ne considère personne comme coupable, ni soi-même ni un autre.” – Qui dit cela ? – Épictète, il y a dix-huit cents ans. – On l’a entendu, mais oublié. – Non, on ne l’a pas entendu ni oublié : certaines choses ne s’oublient pas. Mais on n’avait pas l’oreille pour l’entendre, l’oreille d’Épictète. – Alors il se l’est donc dit à son oreille à lui ? – C’est cela : la sagesse, c’est ce chuchotement du solitaire à soi-même en pleine place publique. »
       
Être condamné sans être coupable est le grand honneur du poète.
  « Le culte de la vitesse ou, pour être plus exact, de la hâte, fausse tout. Le jugement rapide pousse les uns sur l’estrade de miss Europe, les autres dans la trappe du père Ubu. Mais être condamné n’est rien. C’est être coupable qui est grave. Être condamné sans être coupable est le grand honneur du poète. Il ne doit en ressentir aucune amertume. Notre route se fait à pied, en marge de la grande route, et dans l’ombre, éclaboussés de vitesses, et de lumières. Beaucoup de jeunes gens se fatiguent de cette marche. Ils se livrent à l’auto-stop. Ils montent dans une voiture qui n’est pas la leur, et s’imaginent aller vite, alors que cette vitesse ne leur appartient pas. Il est très difficile de leur faire comprendre la nécessité, pour le poète, d’une manière d’échec dans l’immédiat. Ils veulent arriver. Je me demande à quoi et où. »
       
     
       
     
       
     
       
 
   
       
       

 

   
F. W. Nietzsche (1844-1900), Humain, trop humain : un livre pour esprits libres (1878-1879), II, i : « Opinions et sentences mêlées », § 386 : Das fehlende Ohr. – "Man gehört noch zum Pöbel, solange man immer auf andere die Schuld schiebt ; man ist auf der Bahn der Weisheit, wenn man immer nur sich selber verantwortlich macht ; aber der Weise findet niemanden schuldig, weder sich noch andere." – Wer sagt dies ? – Epiktet, vor achtzehnhundert Jahren. – Man hat es gehört, aber vergessen. – Nein, man hat es nicht gehört und nicht vergessen : nicht jedes Ding vergißt sich. Aber man hatte das Ohr nicht dafür, das Ohr Epiktets. – So hat er es also sich selber ins Ohr gesagt ? – So ist es : Weisheit ist das Gezischel des Einsamen mit sich auf vollem Markte. – Robert Laffont, « Bouquins » : Œuvres, t. i, 1993, p. 822.
   
J. Cocteau (1889-1963), Le passé défini : journal, 29 janvier 1954 ; Gallimard, « NRF », t. iii, 1989, p. 32.
   

 

En haut de page