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Dernière édition MMV - Ours - Minuit  
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Je voudrais critiquer l’opinion que l’on trouve malheureusement trop souvent chez les gauchistes, une position vraiment simpliste : le délinquant, comme le fou, est quelqu’un qui se révolte, et on l’enferme parce qu’il se révolte ; je dirai l’inverse : il est devenu délinquant parce qu’il est allé en prison
  « Démystifier les programmes de réinsertion sociale, parce que comme on dit, ces programmes réadapteraient les délinquants aux conditions sociales dominantes, ce n’est pas tellement cela le problème. C’est la désocialisation qui est le problème. Je voudrais critiquer l’opinion que l’on trouve malheureusement trop souvent chez les gauchistes, une position vraiment simpliste : le délinquant, comme le fou, est quelqu’un qui se révolte, et on l’enferme parce qu’il se révolte. Je dirai l’inverse : il est devenu délinquant parce qu’il est allé en prison. Ou, mieux, la micro-délinquance qui existe au départ s’est transformée en macro-délinquance par la prison. La prison provoque, produit, fabrique des délinquants, des délinquants professionnels, et on veut avoir ces délinquants parce qu’ils sont utiles : ils ne se révoltent pas. Ils sont utiles, manipulables – ils sont manipulés. »
       
Il faut qu’il y ait des délinquants et des criminels pour que la population accepte la police : la peur du crime qui est attisée en permanence par le cinéma, la télévision et la presse en est la condition pour que le système de surveillance policière soit accepté…
  « Il faut qu’il y ait des délinquants et des criminels pour que la population accepte la police, par exemple. La peur du crime qui est attisée en permanence par le cinéma, la télévision et la presse en est la condition pour que le système de surveillance policière soit accepté. On dit couramment que la réinsertion sociale signifie adaptation aux rapports de domination, accoutumance à l’oppression ambiante. De sorte qu’il serait très mauvais de réinsérer les délinquants. Il faudrait que cela cesse. Cela me paraît quelque peu éloigné de la réalité. Je ne sais pas comment les choses se passent en Allemagne, mais en France c’est comme cela : il n’y a pas de réinsertion. Tous les prétendus programmes de réinsertion sont au contraire des programmes de marquage, des programmes d’exclusion, des programmes qui poussent ceux qu’ils concernent toujours plus loin dans la délinquance. Il n’en va pas autrement. On ne peut donc pas parler d’adaptation aux rapports bourgeois capitalistes. Au contraire, nous avons affaire à des programmes de désocialisation (…). Quand quelqu’un est passé par ces programmes de réinsertion, par exemple par une maison d’éducation spécialisée, par un foyer destiné aux prisonniers libérés, ou par n’importe quelle instance qui aide et surveille à la fois les récidives, cela mène à ce que l’individu reste marqué comme délinquant : auprès de son employeur, auprès du propriétaire de son logement. Sa délinquance le définit lui et le rapport que l’environnement entretien avec lui, si bien qu’on en arrive à ce que le délinquant ne puisse vivre qu’en milieu criminel. La permanence de la criminalité n’est nullement un échec du système carcéral, c’est au contraire la justification objective de son existence. »
       
     
       
     
       
     
       
 
   
       
       

 

   
M. Foucault (1926-1984), in Dits et écrits , t. III, (1977) ; Gallimard, 1994, p. 393.
   
M. Foucault (1926-1984), in Dits et écrits, t. iii, (1977) ; Gallimard, 1994, p. 394.
   

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