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Qui fait la grandeur de la France ? C’est Villon, c’est Rimbaud,
c’est Verlaine, c’est Baudelaire. Tout ce joli monde
a été mené au dépôt…
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« La France
est un pays qui se dénigre. C’est tant mieux, car sinon ce serait le pays
le plus prétentieux du monde. L’essentiel est qu’il ne se constate pas.
Ce qui se constate se neutralise. Dans mon roman Les
Enfants terribles, je prends bien soin de dire que cette sœur
et ce frère ne se constataient pas. Eussent-ils constaté leurs forces de
poésie, que les voilà des esthètes et passant de l’actif au passif. Non.
Ils se détestent. Ils détestent leur chambre. Ils se veulent une autre vie.
Celle, sans doute, de ceux qui les imitent et perdent leurs privilèges pour
un monde qui n’existe que par la certitude que les privilèges sont ailleurs,
et qu’on n’en possède aucun.
J’ai chez moi une lettre de Musset écrite à l’époque la plus riche en génie.
Il se plaint qu’il n’y ait pas un artiste, pas un livre, pas un peintre,
pas une pièce. La Comédie-Française, dit-il, croule sous la poussière et
Madame Malibran chante à Londres parce que | l’Opéra chante faux. Chaque
époque de la France est ainsi faite que, le nez sur sa richesse, elle n’y
voit rien et en cherche une ailleurs.
Drôles sont ceux qui la veulent grande en paroles. « Grandeur, pureté,
œuvres constructives. » C’est le refrain moderne. Pendant ce temps,
la grandeur, la pureté, les œuvres constructives se produisent sous une
forme qui leur demeure invisible et qui leur apparaîtrait comme une honte
pour le pays. Et les critiques jugent les œuvres et ne savent pas qu’ils
sont jugés par elles. Qui fait la grandeur de la France ? C’est Villon,
c’est Rimbaud, c’est Verlaine, c’est Baudelaire. Tout ce joli monde a été
mené au dépôt. On voulait le chasser de France. On l’a laissé mourir à l’hôpital.
Je ne parle pas de Jeanne d’Arc. D’elle, c’est le procès qui compte. Triste
est sa revanche. Pauvre Péguy ! Je l’aimais bien. C’était un anarchiste.
Que dirait-il de l’emploi qu’on fait de son nom ? » |
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