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« Les sociétés capitalistes, et jusqu’à
présent également les sociétés qui se disent non capitalistes, sont tout
de même des sociétés enfermantes. Si on classait les | sociétés selon
la manière dont elles se débarrassent, non pas de leurs morts, mais de
leurs vivants, on aurait une classification en sociétés massacrantes ou
sociétés à meurtres rituels, sociétés à exil, sociétés à réparation, sociétés
à enfermement. Cela me paraît être les quatre grands types. Que la société
capitaliste soit une société à enfermement, je crois que c’est un constat
que l’on a vraiment du mal à expliquer. Pourquoi faut-il en effet que
ce soit une société enfermante, cette société où la force de travail se
vend ? L’oisiveté, le vagabondage, les migrations de ceux qui vont
chercher de meilleurs salaires ailleurs, tout cela entraîne le quadrillage
de cette masse, la possibilité de la remettre sur le marché de l’emploi ;
tout cela est inscrit dans la pratique même de l’enfermement, de telle
sorte que, quand une société, même capitaliste comme la société britannique,
déclare qu’il n’y a plus d’enfermement, du moins pour les fous, je me
pose la question : est-ce que ça veut dire que l’autre grande moitié
de l’enfermement, la prison, va disparaître ou est-ce qu’au contraire
elle va occuper l’espace laissé vide par l’asile ? Est-ce que la
Grande-Bretagne ne fait pas l’inverse de ce qu’est en train de faire l’Union
soviétique ? L’u.r.s.s.
généralise l’hôpital psychiatrique, elle lui fait jouer le rôle des prisons.
Est-ce que la Grande-Bretagne ne sera pas amenée à étendre la fonction
des prisons, même si elles sont prodigieusement améliorées ? » |