Dernière édition MMV - Équinoxe du printemps |
« Prison » et « normalisation »,
quelle est la rime, quelle est la raison ? La rime est pauvre, le rapport de ces deux termes ne nous saute pas aux yeux, sinon qu’il y a des prisons (si, si, ça existe encore !) et que c’est bien normal, comme le souffle un certain bon sens. Mieux que ce présumé bon sens : un processus de normalisation est aussi à l’œuvre dans l’appareil « prison ». Ouvrons les yeux pour voir… |
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Entre 1759, date d’apparition du mot normal, et 1834, date d’apparition du mot normalisé, une classe normative (la bourgeoisie) a conquis le pouvoir d’identifier la fonction des normes sociales avec l’usage qu’elle-même faisait de celles dont elle déterminait le contenu... |
« Sous le rapport de la normalisation, il
n’y a pas de différence entre la naissance de la grammaire en France
au xviie siècle et l’institution
du système métrique à la fin du xviiie
siècle. Richelieu, les Conventionnels et Napoléon Bonaparte sont les
instruments successifs d’une même exigence collective. On commence par
les normes grammaticales, pour finir par les normes morphologiques des
hommes et des chevaux aux fins de défense nationale, en passant par
les normes industrielles et hygiéniques. |
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Est-ce que les pouvoirs de normalisation, les techniques de normalisation ne sont pas, à l’heure actuelle, une sorte d’instrument général que vous trouvez un peu partout dans l’institution scolaire, dans l’institution pénale, dans les ateliers, dans les usines, dans les administrations ? |
« Le problème posé est : « Est-ce que les pouvoirs ne sont pas actuellement liés à un pouvoir particulier qui est celui de normalisation ? » Je veux dire : est-ce que les pouvoirs de normalisation, les techniques de normalisation ne sont pas, à l’heure actuelle, une sorte d’instrument général que vous trouvez un peu partout dans l’institution scolaire, dans l’institution pénale, dans les ateliers, dans les usines, dans les administrations, comme une sorte d’instrument général et généralement accepté, parce que scientifique, qui va permettre de dominer et d’assujettir les individus. Autrement dit, la psychiatrie comme instrument général d’assujettissement et de normalisation des individus. Voilà un petit peu mon problème. » | ||
G. Canguilhem (1904-1995), Le normal et le pathologique, II : Nouvelles réflexions concernant le normal et le pathologique (1963-1966), I, « Du social au vital » ; P.U.F., « Quadrige », 1988, p. 181-183. | |
M. Foucault (1926-1984), « Radioscopie de Michel Foucault », entretien avec J. Chancel, 10 mars 1975 ; Gallimard, « Quarto » : Dits et écrits, t. i, 2001, p. 1661. | |