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Dernière édition MMIV Dé 21 - Minuit  
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Le mot de « tribunal » me pétrifia et ne me laissa que la faculté matérielle pour obéir passivement
  À la fin du mois de juillet 1755, Casanova se voit décerné un mandat de dépôt : arrêté au petit matin par ordre des inquisiteurs d’État, il est ensuite conduit sous escorte à la prison des Plombs.
      « Le lendemain à la pointe du jour, voilà le terrible messer-grande qui entre dans ma chambre. Me réveiller, le voir et l’entendre me demander si j’étais Jacques Casanova ne fut que l’affaire d’un moment. À mon : « Oui, je suis Casanova », il m’ordonne de me lever, de m’habiller, de lui remettre tout ce que j’avais en écritures de moi ou d’autres, et de le suivre.
« De la part de qui me donnez-vous cet ordre ?
– De la part du tribunal. »
Quel est l’empire que certains mots exercent sur l’âme, et qui pourrait en préciser la source ? Moi qui, la veille encore, me targuais tant de mon courage appuyé sur mon innocence, le mot de « tribunal » me pétrifia et ne me laissa que la faculté matérielle pour obéir passivement. »
       
S’il existe un tribunal divin, il tiendra compte des injustices du tribunal des hommes.
  « Nous sommes dans un monde pareil à une arène espagnole, en ce sens que nous sommes dupes de mille perspectives, et que ces perspectives menteuses nous conduisent jusqu’à l’estocade. Il s’agit, comme pour le taureau, de mourir noblement puisque nous sommes condamnés d’avance… Voilà quarante ans que je suis sur la brèche. Je n’ai aucune crainte de mourir. S’il n’y a rien, je rentrerai dans le zéro d’où je sors. S’il existe un tribunal divin, il tiendra compte des injustices du tribunal des hommes. »
       
     
       
     
       
     
       
 
   
       
       

 

   
G. Casanova (1725-1798), Mémoires : histoire de ma vie, chap. xlviii-xlix ; Arléa, 1993, p. 582.
   
J. Cocteau (1889-1963), « Jean Cocteau », entretien avec Christine Garnier pour un livre sur les confidences d’écrivains, 21 mai 1954 ; in Le passé défini : journal, « Annexes », xiv, Gallimard, « NRF », t. iii, 1989, p. 352.
   

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