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Dernière édition MMIV Noûs 11 - Minuit
Bon sens
   

Au départ du Discours de la méthode, la notion de « bon sens  » est invoquée avec une pointe d'insistance. Dans la pratique, cette pointe s'use et s'émousse vite.
On n'a jamais trop de bon sens. Et, propriété curieuse, le bon sens a tendance à se diluer dans la difficulté : que celui qui ne s'est jamais noyé dans une goutte d'eau lui jette la première pierre !

Une pinte de bon sens.
 

Mais pour garder la tête hors de l'eau, le précepte de Claudel est excellent : en cas de problème, « se faire une pinte de bon sens. »

 
 
   
Le bon sens ne consiste pas à penser sur les choses avec trop de sagacité, mais à les concevoir d’une manière utile, – à les prendre dans le bon sens.
 
 

« Le bon sens n’exige pas un jugement bien profond ; il semble consister plutôt à n’apercevoir les objets que dans la proportion exacte qu’ils ont avec notre nature, ou avec notre condition. Le bon sens n’est donc pas à penser sur les choses avec trop de sagacité, mais à les concevoir d’une manière utile, à les prendre dans le bon sens.
Celui qui voit avec un microscope aperçoit sans doute dans les choses plus de qualités ; mais il ne les aperçoit point dans leur proportion naturelle avec la nature de l’homme, comme celui qui ne se sert que de ses yeux. Image des esprits subtils, il pénètre souvent trop loin : celui qui regarde naturellement les choses a le bon sens.
Le bon sens se forme d’un goût naturel pour la justesse et la médiocrité ; c’est une qualité du caractère, plutôt encore que de l’esprit. Pour avoir beaucoup de bon sens, il faut être fait de manière que la raison domine sur le sentiment, l’expérience sur le raisonnement.
Le jugement va plus loin que le bon sens ; mais ses principes sont plus variables. »

 
 
   
 
 
   
 
 
   
 
 
   
 
 
   

 

   
 
P. Claudel (1868-1955), Journal, octobre 1951 ; Gallimard, « Pléiade », t. II, 1969, p. 788.
   
Vauvenargues (1715-1747), Introduction à la connaissance de l’esprit humain (1746), I, 7 : « Du bon sens » ; Librairie Hachette : Œuvres complètes, t. i, 1968, p. 213.

 

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