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Dernière édition MMIV - Ours - Minuit  
Concret  
  Un problème peut être abstrait, un problème peut être concret.
       
       
Le seul problème concret que je connaisse aujourd'hui : peut-on être un saint sans Dieu ?
 

« En somme, dit Tarrou avec simplicité, ce qui m'intéresse, c'est de savoir comment on devient saint.
- Mais vous ne croyez pas en Dieu.
- Justement. Peut-on être un saint sans Dieu, c'est le seul problème concret que je connaisse aujourd'hui. »

 
 
   
Permettez-moi enfin un conseil de travail : il y a toujours intérêt, dans les analyses de concept, de partir de situations très concrètes, très simples, et non pas des antécédents philosophiques ni même des problèmes en tant que tels...
  « Permettez-moi enfin un conseil de travail : il y a toujours intérêt, dans les analyses de concept, de partir de situations très concrètes, très simples, et non pas des antécédents philosophiques ni même des problèmes en tant que tels (l’un et le multiple, etc.) ; par exemple pour les multiplicités, ce dont il faut partir, c’est : qu’est-ce qu’une meute ? (différente d’un seul animal), qu’est-ce qu’un ossuaire ? Ou, comme vous l’avez fait si bien, qu’est-ce qu’une relique ? Pour les événements : qu’est-ce que cinq heures du soir ? La critique possible de la mimésis, c’est par exemple dans le rapport concret de l’homme et de l’animal qu’il faut la saisir. Je n’ai donc qu’une chose à vous dire : ne perdez pas le concret, revenez-y constamment. Multiplicité, ritournelle, sensation, etc. se développent en purs | concepts, mais sont strictement inséparables du passage d’un concret à un autre. C’est pourquoi il faut éviter de donner à une notion quelconque un primat sur les autres : c’est chaque notion qui doit entraîner les autres, à son tour et le moment venu […]. Je crois que plus un philosophe est doué, plus il a tendance, au début, à quitter le concret. Il doit s’en empêcher, mais seulement de temps en temps, le temps de revenir à des perceptions, à des affects, qui doivent redoubler les concepts. »
 
 
   
       
       
       
       

 

   
A. Camus (1913-1960), La Peste (1947), IV ; Gallimard, « Pléiade » : Théâtre, récits, nouvelles, 1962, p. 1427.
   
G. Deleuze (1925-1995), Deux régimes de fous : textes et entretiens (1975-1995), 55 : « Lettre-préface à Jean-Clet Martin », 13 juin 1990 ; Minuit, 2003, p. 339-340.
   

 

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