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Dernière édition MMIV Dé 21 - Minuit
Invention
       
 

 

       
Le propre d’un inventeur, c’est d’inventer. – Mon père inventait des trucs, il touchait à tout, il bouillonnait d’idées : tous les problèmes l’amusaient.
  « Mon père était un inventeur. Le propre d’un inventeur, c’est d’inventer. Mon père inventait des trucs, tenez : les lettres de cristal des devantures de magasins, les premières enseignes lumineuses, le char romain qui courait sur la façade de la maison qui fait le coin de la rue Taitbout et de la rue Laffitte sur le boulevard, des appareils à sous. Il touchait à tout, il bouillonnait d’idées. C’était un fantaisiste et un impatient. Tous les problèmes l’amusaient. Il avait débuté dans la vie comme professeur de math. Il était rigolo. À la maison, chaque porte était munie d’un dispositif qui permettait de l’ouvrir avec les pieds et je me surprends encore aujourd’hui à vouloir ouvrir une porte avec les pieds… C’était un précurseur mais c’était aussi un réalisateur. Il a inventé la première machine à tisser automatiquement les tapis de Smyrne, y compris le stop, cette touffe de cheveux que les ouvrières nouent au bout |de leur enfilée de laine en fin de journée pour marquer la reprise de leur travail du lendemain. Il aurait dû faire fortune avec cette unique invention. Mais dès qu’il avait fait une invention, papa n’avait qu’une seule hâte, c’était d’en faire une autre, si bien qu’il n’exploitait pas la première, se dépêchant de vendre ses patentes et de liquider ses droits pour se procurer de l’argent frais et mettre au point la nouvelle invention qui lui trottait par la tête. Et c’est pourquoi il a connu tant de hauts et de bas, dont nous subissions les contrecoups à la maison sans jamais savoir au juste d’où cela venait. Alors, je gagnais peu à peu la rue, au grand désespoir de maman. »
       
     
       
     
       
     
       
     
       
 
   
       
       

 

   
B. Cendrars (1887-1961), Blaise Cendrars vous parle… (1950), « Entretien premier », propos recueillis par Michel Manoll, montage par Albert Riéra ; Denoël : œuvres complètes, t. viii, 1964, p. 537-538.
   
 
   
 
   
 
   
 
   
 
   
   
   
   
   

 

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