Dernière édition MMIV Dé 21 - Minuit |
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Résolution d’un problème et résolution de la volonté. |
« Résolution d’un problème et résolution de la volonté, comme si la certitude était la même chose que la volition. » | ||
Être le plus ferme et le plus résolu en mes actions que je pourrais... |
Dans une lettre de mars 1638, Descartes explique
le sens de la deuxième maxime de sa morale par provision : « d’être
le plus ferme et le plus résolu en mes actions que je pourrais ». Dans l’action, avec ses urgences et exigences, la fermeté et la résolution sont deux principes valables pour quitter le milieu d’une forêt sans repère. |
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Il faut être résolu en ses actions, lors même qu’on demeure irrésolu en ses jugements… |
« Il est vrai que, si j’avais dit absolument qu’il faut se tenir aux opinions qu’on a une fois déterminé de suivre, encore qu’elles fussent douteuses, | je ne serais pas moins répréhensible que si j’avais dit qu’il faut être opiniâtre et obstiné ; à cause que se tenir à une opinion, c’est le même que persévérer dans le jugement qu’on en a fait. Mais j’ai dit autre chose, à savoir, qu’il faut être résolu en ses actions, lors même qu’on demeure irrésolu en ses jugements, et ne suivre pas moins les opinions les plus douteuses, c’est-à-dire n’agir pas moins constamment suivant les opinions qu’on juge douteuses, lorsqu’on s’y est une fois déterminé, c’est-à-dire lorsqu’on a considéré qu’il n’y en a point d’autres qu’on juge meilleures ou plus certaines, que si on connaissait que celles-là fussent meilleures ; comme en effet elles le sont sous cette condition. Et il n’est pas à craindre que cette fermeté en l’action nous engage de plus en plus dans l’erreur ou dans le vice, d’autant que l’erreur ne peut être que dans l’entendement, lequel je suppose, nonobstant cela, demeurer libre et considérer douteux ce qui est douteux. Outre que je rapporte principalement cette règle aux actions de la vie qui ne souffrent aucun délai, et que je ne m’en sers que par provision, avec dessein de changer mes opinions, sitôt que j’en pourrai trouver de meilleures, et de ne perdre aucune occasion d’en chercher. Au reste j’ai été obligé de parler de cette résolution et fermeté touchant les actions, tant à cause qu’elle est nécessaire pour le repos de la conscience, que pour empêcher qu’on ne me blâmât de ce que j’avais écrit que, pour éviter la prévention, il faut une fois dans sa vie se défaire de toutes les opinions qu’on reçues auparavant en sa créance : car apparemment on m’eût objecté que ce doute si universel peut produire une grande irrésolution et un grand dérèglement dans les mœurs. De façon qu’il ne me semble pas avoir pu user de plus de circonspection que j’ai fait, pour placer la résolution, en tant qu’elle est une vertu, entre les deux vices qui lui sont contraires, à savoir, l’indétermination et l’obstination. » | ||
L’homme de résolution. |
« L’homme de résolution. L’irrésolution est pire que la mauvaise exécution. Les eaux ne se corrompent pas tant quand elles courent que lorsqu’elles croupissent. Il y a des hommes si irrésolus qu’ils ne font jamais rien sans être poussés par autrui ; et quelquefois cela ne vient pas tant de la perplexité de leur jugement, qui souvent est vif et subtil, que d’une lenteur naturelle. C’est une marque de grand esprit que de se former des difficultés, mais encore plus de savoir se déterminer. Il se trouve aussi des gens qui ne s’embarrassent de rien, et ceux-là sont nés pour les hauts emplois, d’autant que la vivacité de leur conception et la fermeté de leur jugement leur facilitent l’intelligence et l’expédition des affaires. Tout ce qui tombe en leurs mains est chose faite. Un de cette trempe, après avoir donné la loi à tout un Monde, eut du temps de reste pour penser à un autre. De tels hommes entreprennent tout à coup sûr, sous la caution de leur bonne fortune. » | ||
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P. Claudel (1868-1955), Journal, décembre 1926 ; Gallimard, « Pléiade », t. i, 1968, p. 746. | |
R. Descartes (1596-1650), Discours de la méthode : pour bien conduire sa raison et chercher la vérité dans les sciences (1637), « Troisième partie : quelques règles de la morale tirée de la méthode » ; Gallimard, « Pléiade » : Œuvres et Lettres, 1953, p. 142. | |
R. Descartes (1596-1650), Lettres, à ***, mars 1638 ; Gallimard, « Pléiade » : Œuvres et Lettres, 1953, p. 1000-1001. | |
B. Gracián (1601-1658), Oráculo manual y Arte de prudencia (1647), § 72 : Hombre de resolución. Menos dañosa es la mala execución que la irresolución. No se gastan tanto las materias quando corren como si estancan. Ai hombres indeterminables, que necessitan de agena premonición en todo ; y a vezes no nace tanto de la perplexidad del juizio, pues lo tienen perspicaz, quanto de la ineficacia. Ingenioso suele ser el dificultar, pero más lo es el hallar salida a los inconvenientes. Ai otros que en nada se embaraçan, de juicio grande y determinado ; nacieron para sublimes empleos, porque su despexada comprehensión facilita el acierto y el despacho : todo se lo hallan hecho, que después de aver dado razón a un mundo, le quedó tiempo a uno destos para otro ; y quando están afiançados de su dicha, se empeñan con más seguridad. – trad. Amelot de La Houssaie (1634-1706) : L’Homme de cour, 1684. | |