Le menu de Thélème Dernière édition MMV - Canicvla - Midi  
Revenir au problème‡‡ Seuil \ Menu \ Problème \
Bas de page Problème / MenuSeuil ‡‡ Encore un problème
  Voir  

         
  Pour bien voir à l’œil nu, il ne faut être ni aveugle, ni malvoyant, ni malveillant. Malheureusement, il ne suffit pas qu’un problème se fasse jour pour qu’on le voit. Même avec les appareils, il est si difficile d’avoir la vue juste...
Ne pas voir de problème là où il n’y en a pas : gare aux mirages !
Ne pas voir le problème là où il est, ne vaut pas mieux : regarde donc où tu mets les pieds ! Penser aussi aux bévues.
Enfin, tout est à facettes : il est bon de varier les points de vue.
         
Ce qui est bien connu, c’est ce qu’il y a de plus habituel, et l’habituel est ce qu’il y a de plus difficile à « connaître », c’est-à-dire à voir par son côté étrange, lointain, « extérieur à nous-mêmes » – à voir comme problème (das heisst als Problem zu sehen).
  « L’origine de notre notion de la « connaissance ». – Je ramasse cette explication dans la rue ; j’ai entendu quelqu’un parmi le peuple dire : « Il m’a reconnu », – et je me demande ce que le peuple entend au fond par connaître ? que veut-il lorsqu’il veut la | « connaissance » ? Rien que cela : quelque chose d’étranger doit être ramené à quelque chose de connu. Et nous autres philosophes – par « connaissance », avons-nous vraiment entendu davantage ? Ce qui est connu, c’est-à-dire : ce à quoi nous sommes habitués, en sorte que nous ne nous en étonnons plus, notre besogne quotidienne, une règle quelconque qui nous tient, toute chose que nous savons nous être familière : – comment ? notre besoin de connaissance n’est-il pas précisément notre besoin de quelque chose de connu ? le désir de découvrir, parmi toutes les choses étrangères, inaccoutumées, incertaines, quelque chose qui ne nous inquiétât plus ? Ne serait-ce pas l’instinct de crainte qui nous pousse à connaître ? La jubilation du connaisseur ne serait-elle pas la jubilation de la sûreté reconquise ?… Tel philosophe considéra le monde comme « connu » lorsqu’il l’eut ramené à l’« Idée ». Hélas ! n’en était-il pas ainsi parce que l’« Idée » était pour lui chose connue, habituelle ? parce qu’il avait beaucoup moins peur de l’« Idée » ? – Honte à cette modération de ceux qui cherchent la .connaissance ! Examinez donc à ce point de vue leurs principes et leurs solutions aux énigmes du monde ! Lorsqu’ils retrouvent dans les choses, parmi les choses, derrière les choses, quoi que ce soit que nous connaissons malheureusement trop, comme par exemple notre table de multiplication, notre logique, nos volontés ou nos désirs, quels cris de joie ils se mettent à pousser ! Car « ce qui est bien connu est reconnu » : en cela ils s’entendent. Même les plus circonspects parmi eux croient que ce qui est connu est pour le moins plus facile à reconnaître que ce qui est étranger ; ils croient par exemple que, pour procéder méthodiquement, il faut partir du « monde intérieur », des « faits de la conscience », puisque ce serait là le monde que nous connaissons le mieux ! Erreur des erreurs ! Ce qui est bien connu, c’est ce qu’il y a de plus habituel, et l’habituel est ce qu’il y a de plus difficile à « connaître », c’est-à-dire le plus difficile à considérer comme problème, à voir par son côté étrange, lointain, « extérieur à nous-mêmes »… La grande supériorité des sciences « naturelles », comparées à la psychologie et à la critique des éléments de la conscience – on pourrait presque les appeler les sciences « non-naturelles » – consiste précisément en ceci qu’elles prennent pour objet des éléments étrangers, tandis que c’est presque une contradiction et une absurdité de vouloir prendre pour objet des éléments qui ne sont pas étrangers… »  
         
Si on interroge ceux qui attaquent le structuralisme, on a l’impression qu’ils voient en nous tous certains traits communs qui provoquent leur méfiance et même leur colère ; si, par contre, vous interrogez Lévi-Strauss, Lacan, Althusser ou moi-même, chacun de nous déclarera qu’il n’a rien de commun avec les trois autres, et que ces trois autres n’ont d’ailleurs rien de commun entre eux – c’est, entre parenthèses, un phénomène assez habituel : dès qu’on voit le problème de l’intérieur, on ne découvre que des différences
  « – D’abord, qu’y a-t-il de commun entre des chercheurs comme Lévi-Strauss, Lacan, Althusser, Barthes et vous-même ?
– Si on interroge ceux qui attaquent le structuralisme, on a l’impression qu’ils voient en nous tous certains traits communs qui provoquent leur méfiance et même leur colère. Si, par contre, vous interrogez Lévi-Strauss, Lacan, Althusser ou moi-même, chacun de nous déclarera qu’il n’a rien de commun avec les trois autres, et que ces trois autres n’ont d’ailleurs rien de commun entre eux. C’est, entre parenthèses, un phénomène assez habituel. Les existentialistes paraissaient aussi semblables, mais uniquement pour ceux qui les voyaient du dehors. Dès qu’on voit le problème de l’intérieur, on ne découvre que des différences. Je vais, si vous le voulez, essayer de voir les choses de l’extérieur. Il me semble d’abord, d’un point de vue négatif, que ce qui distingue essentiellement le structuralisme, c’est qu’il met en question l’importance du sujet humain, de la conscience humaine, de l’existence humaine. On peut, par exemple, dire que la critique littéraire de Roland Barthes comporte en gros une analyse de l’œuvre, qui ne se réfère pas à la psychologie, à l’individualité ni à la biographie personnelle de l’auteur, mais à une analyse des structures autonomes, des lois de leur construction. De même, les linguistes, que nous pouvons appeler structuralistes, n’étudient pas le langage par rapport au sujet qui parle ou aux groupes qui se sont effectivement servis de ce langage. Ils ne l’explorent pas comme l’expression d’une civilisation ou d’une culture. Ils explorent les lois intérieures selon lesquelles la langue a été organisée. Il me semble que cette exclusion du sujet humain, de la conscience et de l’existence caractérise en gros et de façon négative la recherche contemporaine. De façon positive, disons que le structuralisme explore surtout un inconscient. Ce sont les structures inconscientes du langage, de l’œuvre littéraire et de la connaissance qu’on essaie en ce moment d’éclairer. En second lieu, je pense qu’on peut dire que ce que l’on recherche essentiellement, ce sont les formes, le système, c’est-à-dire que l’on essaie de faire ressortir les corrélations logiques qui peuvent exister entre un grand nombre d’éléments appartenant à une langue, à une idéologie (comme dans les analyses d’Althusser), à une société (comme chez Lévi-Strauss) ou à différents champs de connaissance ; ce à quoi j’ai moi-même travaillé. On pourrait en gros décrire le structuralisme comme la recherche de structures logiques partout où il a pu s’en produire. »
 
         
D’où on voit un problème.
  « Tout est question de distance : d’ on voit un problème. »  
         
       
         
       
         
       
         
       
         
         
         
 
 
     
 
 
     
 
 
     
 
 
     
 
 
     
 
 
     

   
F. W. Nietzsche (1844-1900), Le Gai savoir : « la gaya scienza » (1882-1887), « Livre cinquième », § 355 : Der Ursprung unsres Begriffs "Erkenntniss". – Ich nehme diese Erklärung von der Gasse ; ich hörte jemanden aus dem Volke sagen "er hat mich erkannt", – dabei fragte ich mich : was versteht eigentlich das Volk unter Erkenntniss ? was will es, wenn es "Erkenntniss" will ? Nichts weiter als dies : etwas Fremdes soll auf etwas Bekanntes zurückgeführt werden. Und wir Philosophen – haben wir unter Erkenntniss eigentlich mehr verstanden ? Das Bekannte, das heisst : das woran wir gewöhnt sind, so dass wir uns nicht mehr darüber wundern, unser Alltag, irgend eine Regel, in der wir stecken, Alles und jedes, in dem wir uns zu Hause wissen : – wie ? ist unser Bedürfniss nach Erkennen nicht eben dies Bedürfniss nach Bekanntem, der Wille, unter allem Fremden, Ungewöhnlichen, Fragwürdigen Etwas aufzudecken, das uns nicht mehr beunruhigt ? Sollte es nicht der Instinkt der Furcht sein, der uns erkennen heisst ? Sollte das Frohlocken des Erkennenden nicht eben das Frohlocken des wieder erlangten Sicherheitsgefühls sein ?… Dieser Philosoph wähnte die Welt "erkannt", als er sie auf die "Idee" zurückgeführt hatte : ach, war es nicht deshalb, weil ihm die "Idee" so bekannt, so gewohnt war ? weil er sich so wenig mehr vor der "Idee" fürchtete ? – Oh über diese Genügsamkeit der Erkennenden ! man sehe sich doch ihre Principien und Welträthsel-Lösungen darauf an ! Wenn sie Etwas an den Dingen, unter den Dingen, hinter den Dingen wiederfinden, das uns leider sehr bekannt ist, zum Beispiel unser Einmaleins oder unsre Logik oder unser Wollen und Begehren, wie glücklich sind sie sofort ! Denn was bekannt ist, ist "erkannt" : darin stimmen sie überein. Auch die Vorsichtigsten unter ihnen meinen, zum Mindesten sei das Bekannte leicht ererkennbar als das Fremde ; es sei zum Beispiel methodisch geboten, von der "inneren Welt", von den "Thatsachen des Bewusstseins" auszugehen, weil sie die uns bekanntere Welt sei ! Irrthum der Irrthümer ! Das Bekannte ist das Gewohnte ; und das Gewohnte ist am schwersten zu "erkennen", das heisst als Problem zu sehen, das heisst als fremd, als fern, als "ausser uns" zu sehn… Die grosse Sicherheit der natürlichen Wissenschaften im Verhältniss zur Psychologie und Kritik der Bewusstseins-Elemente – unnatürlichen Wissenschaften, wie man beinahe sagen dürfte – ruht gerade darauf, dass sie das Fremde als Objekt nehmen : während es fast etwas Widerspruchsvolles und Widersinniges ist, das Nicht-Fremde überhaupt als Objekt nehmen zu wollen – Robert Laffont, « Bouquins » : Œuvres, t. ii, 1993, p. 220-221.
   
M. Foucault (1926-1984), « Interview avec Michel Foucault », entretien avec I. Lindung, Bonniers Litteräre Magasin, Stockholm, mars 1968 ; Gallimard, « Quarto » : Dits et écrits, t. i, 2001, p. 681.
   
E. Cioran (1911-1995), Cahiers (1957-1972), avril-mai 1968 ; Gallimard, « N.R.F. », 1997, p. 571.
   
   
Haut de page