Le menu de Thélème Dernière édition MMV - Canicvla - Midi Le menu de Thélème
Retour au questionnaire‡‡ Seuil \ Menu \ Questionnaire \
Bas de page Questionnaire / MenuSeuil ‡‡ Suite du questionnaire
  Mes plus grandes rencontres ici-bas ?  

         
         
Je n’ai rencontré personne de plus profond que ce vieillard aveugle et sourd-muet, assis en tailleur sur une paillasse, au milieu d’une foule de bavards gesticulateurs (je n’ai pas vu cette scène en Inde, où je ne suis jamais allé, mais peut-être au Maroc, au cinéma ou dans un rêve)…
  « Si les raisons d’autrui vous paraissent obscures, dites-vous que les vôtres ne le sont pas moins à ses yeux. Que cela ne vous oblige pas à accabler le monde d’explications : expliquer revient souvent à délayer dans l’insignifiance ce qu’une croyance avait de plus ferme ; c’est ouvrir le poing pour libérer du vide. Si l’on insiste en vous sommant de vous expliquer quand même, prenez l’air profond et parlez d’autre chose. Il ne faut jamais s’empresser de donner à autrui des éclaircissements qui le conforteront dans l’idée que vous raisonnez de travers. Soyez lapidaire, obscur, voire un peu mystérieux ; vous vérifierez la supériorité d’une telle attitude sur celle qui s’épuise en verbiage, révélant la médiocrité et le caractère superficiel de tout raisonnement relâché. |
Je n’ai rencontré personne de plus profond que ce vieillard aveugle et sourd-muet, assis en tailleur sur une paillasse, au milieu d’une foule de bavards gesticulateurs. Je n’ai pas vu cette scène en Inde, où je ne suis jamais allé, mais peut-être au Maroc, au cinéma ou dans un rêve. On aurait eu beaucoup de mal à me convaincre qu’il ne s’agissait pas d’un sage, recelant en lui quelque secret ultime sur le destin de l’humanité bruyante qui l’entourait. Peut-être était-il l’allégorie même. Je crois que si Aristote en personne était venu lui faire la leçon, improvisant devant lui une rhapsodie philosophique pleine de virtuosité et de profondeur scolastique, c’est mon homme qui aurait paru sage et le Stagirite qui aurait eu l’air d’un danseur de claquettes. Mieux vaut encore se couper la langue que de trop l’agiter ; mieux vaut se crever les yeux et se mettre des bouchons de cire dans les oreilles que d’assister aux acrobaties ineptes d’un de ses semblables hystériquement motivé par le désir de prouver que ses jugements ne sont pas arbitraires. Et quand bien même ils seraient fondés ? Ses jugements sont les siens, pas les vôtres. Vous avez vos raisons, lui les siennes. Mais de les exposer au | grand jour, comme un fripier ses étoffes, il a pris le risque d’en éventer la substance, d’en décolorer la teneur. Il vous a donné le droit de faire la moue en pensant : « ah, ce n’était que cela ! ». Maintenant que ses magasins sont vides, il lui reste la ressource de vous supplier de sortir à votre tour de votre réserve. Il a eu la main, vous aurez le jeu. »
 
         
Bach ; Dostoïevski ; les sceptiques ; Bouddha...
  « La plus grande rencontre de ma vie : Bach. Après, c’est Dostoïevski ; après, les sceptiques grecs ; après, c’est Bouddha… après, mais qu’importe ce qui vient après… »  
         
Bach quand même.
  « Bach demeure quand même la plus grande rencontre que j’aurai faite ici-bas. »  
         
         
         
         
         
         
         
         
         
         
         
         
         
         
         
         
         
         
         
         

   
G. Picard (1945-…), Petit traité à l’usage de ceux qui veulent toujours avoir raison (1999), « De l’inanité des explications » ; Librairie José Corti, 1999, p. 119-121.
   
E. Cioran (1911-1995), Cahiers (1957-1972), juillet-août 1969 ; Gallimard, « N.R.F. », 1997, p. 744.
   
E. Cioran (1911-1995), Cahiers (1957-1972), février 1968 ; Gallimard, « N.R.F. », 1997, p. 552.
   
Haut de page