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  Ce qui me fait rêver ? Mon rêve ?  

         
Jouir des choses.   « En fait, j’ai vraiment du mal à faire l’expérience du plaisir. Le plaisir me paraît être une conduite très difficile. Cela n’est pas aussi simple que cela de jouir des choses. Et je dois avouer que c’est mon rêve. Je voudrais et j’espère mourir d’une overdose de plaisir, quel qu’il soit. Parce que je pense que c’est très difficile, et que j’ai toujours l’impression de ne pas éprouver le vrai plaisir, le plaisir complet et total ; et ce plaisir, pour moi, est lié à la mort. »  
         
         
Je rêve toujours à l’écorce d’orange
À la fin de l’été de 1751, La Mettrie (1709-1751) révèle à Voltaire les « douces paroles » que Frédéric II, roi de Prusse, lui aurait confiées à propos de son serviteur : J’aurai besoin de lui encore un an tout au plus ; on presse l’orange et on en jette l’écorce. Ces mots doux-amers sont rapportés dans une lettre de Berlin, au début du mois de septembre.
Quelques semaines plus tard, à la fin du mois d’octobre, Voltaire n’en revient toujours pas. Il fomente. Il cherche à se retirer de la cour.
« Je rêve toujours à l’écorce d’orange. Je tâche de n’en rien croire, mais j’ai peur d’être comme les cocus qui s’efforcent à penser que leurs femmes sont très fidèles. Les pauvres gens sentent au fond de leur cœur quelque chose qui les avertit de leur désastre.
Ce dont je suis très sûr, c’est que mon gracieux maître m’a honoré d’un bon coup de dent dans les Mémoires qu’il a faits de son règne depuis 1740. Il y a dans ses poésies quelques épigrammes contre l’empereur, et contre le roi de Pologne. À la bonne heure, qu’un roi fasse des épigrammes contre des rois ; cela peut même aller jusqu’aux ministres ; mais il ne devrait pas grêler sur le persil […]. Que voulez-vous que je vous dise ? Il faut se consoler, s’il est vrai que les grands aiment les petits dont ils se moquent, mais aussi s’ils s’en moquent, et ne les aiment point, que faire ? Se moquer d’eux à son tour tout doucement, et les quitter de même. Il me faudra un peu de temps pour retirer les fonds que j’avais fait venir dans ce pays-ci. Ce temps sera consacré à la patience et au travail ; le reste de ma vie doit vous l’être. »
 
         
À force de vouloir tout comprendre, tout me fait rêver
  « Fais comme moi : romps avec l’extérieur, vis comme un ours – un ours blanc – envoie faire foutre tout, tout et toi-même avec, si ce n’est ton intelligence. Il y a maintenant un si grand intervalle entre moi et le reste du monde, que je m’étonne parfois d’entendre dire les choses les plus naturelles et les [plus] simples. Le mot le plus banal me tient parfois en singulière admiration. Il y a des gestes, des sons de voix dont je ne reviens pas, et des niaiseries qui me donnent presque le vertige. As-tu quelquefois écouté attentivement des gens qui parlaient une langue étrangère que tu n’entendais pas ? J’en suis là. À force de vouloir tout comprendre, tout me fait rêver. Il me semble pourtant que cet ébahissement-là n’est pas de la bêtise. Le bourgeois par exemple est pour moi quelque chose d’infini. […] Pour qu’une chose soit intéressante, il suffit de la regarder longtemps. »  
         
         
         
         
         
         
         
         
         
         
         
         
         
         
         
         

 

   
M. Foucault (1926-1984), « Michel Foucault. An interview with Stephen Riggins  », entretien en anglais, Toronto, 22 juin 1982 ; Gallimard, « Bibliothèque des sciences humaines » : Dits et écrits, t. IV, 1994, p. 533.
   
Voltaire (1694-1778), Lettre, n° 2922, à Marie-Louise Denis, Berlin, 2 septembre 1751 ; Gallimard, « Pléiade » : Correspondance, t. III, 1975, p. 475-476.
Id., Lettre, n° 2950, à Marie-Louise Denis, Potsdam, 29 octobre 1751 ; Gallimard, « Pléiade » : Correspondance, t. III, 1975, p. 500.
   
G. Flaubert (1821-1880), Lettre, à Alfred Le Poittevin, [Croisset,] 16 septembre [1845] ; Gallimard, « Pléiade » : Correspondance, t. i, 1973, p. 252.
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