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Dernière édition MMV - Canicvla - Midi | ![]() |
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Que
faut-il dire aux hommes ? Comment leur parler ? |
À un étudiant qui sollicitait l’avis de divers écrivains belges sur la fameuse question posée par Saint-Exupéry : « Que faut-il dire aux hommes ? Comment leur parler ? », Marguerite Yourcenar fit la réponse suivante : | ||||
La vérité, tout simplement. |
« Les deux
questions que pose votre questionnaire sont bien complexes et bien vastes.
Je tente d’y répondre le plus brièvement possible. Que faut-il dire aux hommes ? Avant tout, la vérité sur tous les sujets. L’obligation de dire vrai ou de faire vrai s’étend à tous depuis le journaliste, payé pour transmettre une vérité d’actualité, jusqu’au poète, chargé d’exprimer une vérité éternelle. Elle s’impose également au romancier, outillé pour traduire une vérité humaine, et au philosophe, qui s’efforce de faire passer dans les mots une vérité abstraite. La beauté esthétique, d’une part, et de l’autre les valeurs de sympathie et d’amour sur lesquelles insiste votre questionnaire n’ont de sens qu’à partir de cette obligation de ne jamais mentir, soit par paresse, soit par intérêt, soit par vanité, soit par lâcheté. Comment leur parler ? Simplement, lucidement, sans lieux communs d’aucune sorte, sans concession à la paresse du lecteur, mais aussi sans obscurité voulue, sans fausse élégance, sans affectation | de vulgarité, sans jargon d’école, de chapelle, de groupe ou d’administration, sans concession envers la mode d’aujourd’hui qui sera ridicule demain, sans désir de choquer pour le plaisir de choquer, mais sans jamais hésiter à le faire, si on le croit utile, sans rien sacrifier des complexités, des faits ou des pensées, mais en s’efforçant de présenter celles-ci le plus clairement possible. Le mérite d’un écrivain, sa valeur humaine, et, paradoxalement, la beauté de son style, se mesurent en grande partie à sa capacité d’exprimer l’essentiel. » |
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Parler haut, parler bas. | « Il faut parler haut pour qu’on v[ous] entende ; il faut parler bas pour qu’on v[ous] écoute. » | |||
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M. Yourcenar (1903-1987), Lettres à ses amis et à quelques autres (1909-1987), à Jean-Paul Allardin, Petite Plaisance, 5 février 1970 ; Gallimard, « NRF », 1995, p. 346-347. | |
P. Claudel (1868-1955), Journal, septembre 1943 ; Gallimard, « Pléiade », t. II, 1969, p. 462. | |