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Dernière édition MMV - Équinoxe du printemps  
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Si c’est insignifiant, est-ce rien ?

       
Il y a très peu de gens au monde avec qui on peut dire des choses insignifiantes : passer deux heures avec quelqu’un en ne disant rien, c’est le sommet de l’amitié
  « J’ai toujours eu une admiration et une affection énormes pour Foucault. Non seulement je l’admirais, mais en plus il me faisait rire. Il était très drôle. Je n’ai avec lui qu’une ressemblance : ou bien je travaille, ou bien je dis des choses insignifiantes. Il y a très peu de gens au monde avec qui on peut dire des choses insignifiantes. Passer deux heures avec quelqu’un en ne disant rien, c’est le sommet de l’amitié. Il n’y a qu’avec de très grands amis qu’on peut parler de choses insignifiantes. Avec Foucault, c’était plutôt une phrase par-ci par-là. Un jour, dans le courant d’une conversation, il a dit : moi, j’aime beaucoup Péguy, parce que c’est un fou. J’ai demandé : pourquoi dites-vous que c’est un fou ? Il m’a dit : il suffit de regarder comment il écrit. Là aussi, c’est très intéressant par rapport à Foucault. Cela voulait dire que quelqu’un qui sait inventer un nouveau style, produire de nouveaux énoncés, c’est un fou. On travaillait séparément, chacun de notre côté. Je suis sûr qu’il lisait ce que je faisais, je lisais avec passion ce qu’il faisait, mais on ne parlait pas beaucoup. Et j’ai eu le sentiment, mais sans aucune tristesse, que finalement moi j’avais besoin de lui et que lui n’avait pas besoin de moi. Foucault était un homme très, très mystérieux. »
       
     
       
     
       
     
       
     
       
     
       
       

 

   
G. Deleuze (1925-1995), Deux régimes de fous : textes et entretiens (1975-1995), 39 : « Foucault et les prisons », propos recueillis par P. Rabinow et K. Gandal, History of the Present, no 2, printemps 1986 ; Minuit, 2003, p. 262.
   

 

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