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Dernière édition MMV - Ours - Minuit  
Hybris  
       
 

L’excès impliqué dans l’hybris est un trait du héros tragique, prêt à assumer jusqu’au bout son destin, au mépris des hommes ou des dieux.
Le mot grec hybris s’applique de façon typique à un personnage montrant une fierté démesurée ou une arrogance funeste. Imbu de sa force, qui le pousse à agir inconsidérément jusqu’à provoquer les dieux, le héros tragique outrepasse tous les avertissements, qu’il relève comme autant de défis. Et c’est ainsi qu’il court à sa perte.

       
Hybris personnifie la Démesure et l’Insolence.
  « Hybris (elle personnifie la Démesure et l’Insolence) – c’est la déesse qui règne en 1952. »
       
Il y a une hybris dans toute volonté de puissance et dans toute mainmise sur l’avenir : plus lucides et plus courageusement moralistes que les modernes, les Anciens ont vu mieux et plus vite les dangers du pouvoir démesuré.
  « Il y a une hybris dans toute volonté de puissance et dans toute mainmise sur l’avenir. Tous les essais contenus dans votre livre ont leur application aujourd’hui. Il est impossible de suivre le développement de cet imperium sine fine, qui a ensuite servi de modèle à tous les autres, sans penser à la puissance anglaise, à la puissance américaine, que nous avons vues ou voyons finir sous nos yeux. L’imperium romain, dans la variété de ses phases, bien plus grande | qu’on ne le croit d’ordinaire, aura du moins duré plus longtemps que ces grandes structures qui sous leur forme la plus présomptueuse ou la plus agressive auront à peine duré plus d’un siècle.
La comparaison entre les empires anglo-saxons et Rome s’impose à moi d’autant plus qu’il y eut, surtout chez certains grands Anglais du xixe siècle, un sincère idéalisme du pouvoir qui les apparente aux grands panégyristes romains de la mission de Rome ; il est difficile aujourd’hui de leur rendre justice, sensibles comme nous le sommes à ce qui s’y est bientôt introduit d’hypocrisie. Il me semble que, plus lucides et plus courageusement moralistes que les modernes, les Anciens ont vu mieux et plus vite les dangers du pouvoir démesuré ; en tout cas les avertissements et les admonitions ne manquent pas chez les philosophes gréco-romains. Quel que fût l’orgueil romain, il me semble aussi que la notion du « lesser breed » [« race inférieure »] n’existait pas. Il est vrai que le dédain (d’un Trajan, par exemple) envers les Grecs allait dans le même sens. »
       
     
       
     
       
     
       
 
   
       
       

 

   
J. Cocteau (1889-1963), Le passé défini : journal, fin juin 1952 ; Gallimard, « NRF », t. i, 1983, p. 234.
   
M. Yourcenar (1903-1987), Lettres à ses amis et à quelques autres (1909-1987), à Lidia Storoni Mazzolani, Petite Plaisance, 9 mars 1973 ; Gallimard, « NRF », 1995, p. 393-394.
   
 
   
 
   
 
   
 
   
   
   
   
   

 

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