Retour au menu
Dernière édition MMV - Ours - Minuit  
Imbroglio  
       
Théâtre et imbroglio.
 

Le mot italien imbroglio, « embrouillement », désigne une situation ou une intrigue complexe et confuse, qui empêche les personnages et les spectateurs de percevoir clairement leurs positions respectives sur l’échiquier stratégique de la pièce.
L’imbroglio est un ressort coutumier du vaudeville ou de la comédie d’intrigue. Le plaisir pris par le spectateur à suivre l’imbroglio se mêle à l’exaspération de n’être jamais sûr de comprendre tout à fait, ni assez vite, et d’être freiné dans son désir d’accéder à la conclusion finale. Inversement, c’est aussi bien le plaisir de dépasser l’imbroglio, à travers un raccourci ou une anticipation simplificatrice, qui fait la comédie d’intrigue.

       
Je n’aimerais pas être la dupe de cet imbroglio...
 

« Premier marquis : […] Ne vous y trompez pas. Les extravagances que vous allez entendre sont bel et bien de sa plume, et nous les avons apprises. Il est possible que l’un de nous s’en écarte et brode, mais, dans l’ensemble, c’est l’auteur seul qui s’exprime, et je n’aimerais pas être la dupe de cet imbroglio.
La spectatrice : Imbreuio.
Premier marquis : Pardon ?
La spectatrice : On ne prononce pas le prince de Broglie, mais le prince de Breuil. « Imbroglio » devrait, il me semble, se prononcer imbreuio.
Premier marquis : Si le public s’en mêle nous n’en sortirons plus…
La spectatrice : Tu me reconnais fort bien. Ne simule pas l’innocence. Il est vrai que je suis de la maison. Seulement je me paye le luxe d’assister au spectacle en spectatrice et de sauter l’obstacle conventionnel et injuste qui oblige le public à se taire.
Premier marquis : Voilà déjà une preuve des aventures que peut nous faire courir cette fameuse bride sur le cou, cette liberté que l’auteur nous offre. J’en prends bonne note. Où en étais-je ?
La spectatrice : Tu en étais à imbreuio.
Premier marquis : Ah ! oui. Je n’aimerais pas être dupe, disais-je, de cet imbreuio. (Il prononce le mot avec difficulté.) Au reste, je ne suis pas mandaté par mes camarades, et je m’expose a ce que l’administrateur m’expulse, mais je voulais rendre à notre troupe le service de mettre le public en garde, et de ne pas laisser l’auteur nous jouer impunément un de ses tours. »

 
 
   
   

   
 
J. Cocteau (1889-1963), L’Impromptu du Palais-Royal (1962), scène 1 ; Gallimard, « Pléiade » : Théâtre complet, 2003, p. 1268.
   

En haut de page