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Dernière édition MMV - Ours - Minuit  
Jouer  
       
 

 

       
Tout le monde joue un rôle
  « Le lendemain, au point du jour et sans prévenir personne, je me rendis à Lodi où je fis l’acquisition de tous les livres qui convenaient à la belle Clémentine qui ne parlait que l’italien. J’achetais des traductions que je fus fort surpris de trouver à Lodi, qui, jusqu’alors, ne m’avait paru respectable que par son excellent fromage, connu dans toute l’Europe sous le nom de « parmesan ». Cet excellent fromage est de | Lodi et non de Parme, et le même jour je ne manquai pas d’ajouter un commentaire à l’article « parmesan » dans mon dictionnaire des fromages, ouvrage que j’avais entrepris et que j’ai abandonné dans la suite, ayant reconnu l’entreprise au-dessus de mes forces, de même que J.-J. Rousseau trouva au-dessus des siennes celui de la botanique. Ce grand homme bizarre et singulier avait, à cette époque, adopté le pseudonyme de « Renaud le Botaniste » : quisque histrionam exercet [Tout le monde joue un rôle]. Mais Rousseau, si éloquent, n’avait ni l’inclination de rire, ni le sublime talent de savoir faire rire. »
       
Jouer un rôle sur la scène du monde.
  « Aurait-on mieux développé mon intelligence en me jetant plus tôt dans l’étude ? J’en doute : ces flots, ces vents, cette solitude qui furent mes premiers maîtres, convenaient peut-être mieux à mes dispositions natives ; peut-être dois-je à ces instituteurs sauvages quelques vertus que j’aurais ignorées. La vérité est qu’aucun système d’éducation n’est en soi préférable à un autre système : les enfants aiment-ils mieux leurs parents aujourd’hui qu’ils les tutoient et ne les craignent plus ? Gesril était gâté dans la maison où j’étais gourmandé : nous avons été tous deux d’honnêtes gens et des fils tendres et respectueux. Telle chose que vous croyez mauvaise met en valeur les talents de votre enfant ; telle chose qui vous semble bonne, étoufferait ces mêmes talents. Dieu fait bien ce qu’il fait : c’est la Providence qui nous dirige, lorsqu’elle nous destine à jouer un rôle sur la scène du monde. »
       
Je me suis efforcé de permettre aux artistes de jouer un jeu comme celui que les enfants jouent, en équilibre entre ce qu’ils sont et ce qu’ils imaginent
  « Toute œuvre doit attendre le recul qui nous permet de nous rendre compte si elle correspond à ce que nous attendions d’elle. Or, il me fallait écrire vite l’Impromptu pour que les Comédiens-Français le répétassent avant le voyage au Japon. J’ai eu tort de la publier. Le recul m’a prouvé qu’il fallait présenter à Paris une version différente. Un divertissement doit divertir, et ne pas contraindre le public à résoudre des problèmes, à sauter continuellement et brutalement d’un siècle à l’autre, du comédien au personnage qu’il simule. L’essentiel demeure, mais je me suis efforcé de le rendre plus intelligible, de ne pas exiger du spectateur des connaissances qu’il n’est pas obligé d’avoir, bref, de permettre aux artistes de jouer un jeu comme celui que les enfants jouent, en équilibre entre ce qu’ils sont et ce qu’ils imaginent.
Gide disait de Thomas l’imposteur : « C’est un enfant qui, à force de jouer au cheval, devient cheval. » Et j’estime, comme Jouvet, que le véritable comédien nous donne l’illusion d’improviser son texte. Si nous l’obligeons à un contrôle excessif, le somnambule se réveille et tombe. »
       
Mon métier de malade m’oblige à être un vrai malade : je dois jouer mon rôle de malade pour que les médecins et les infirmières puissent jouer le leur.
  « L’état de malade. Je ne souffre plus. Je suis « un malade », comme il y a des médecins et des infirmières. Mon métier de malade m’oblige à être un vrai malade. Je dois jouer mon rôle de malade pour que les médecins et les infirmières puissent jouer le leur. Cela forme un ensemble dangereux où certains malades s’enlisent. On se trouve menacé par « la fuite dans la maladie » de Freud. (Flucht in die Krankheit.) »
       
     
       
 
   
       
       

 

   
G. Casanova (1725-1798), Mémoires : histoire de ma vie, chap. xcvii ; Arléa, 1993, p. 1307-1308.
   
Chateaubriand (1768-1848), Mémoires d’outre-tombe, Ière partie, livre i, « Combat contre les deux mousses », La Vallée-aux-Loups, juin 1812 ; Le livre de Poche, « Classiques modernes – La Pochothèque », 1973, éd. Gengembre (1998), p. 41.
   
J. Cocteau (1889-1963), L’Impromptu du Palais-Royal (1962), « Préface de la nouvelle version » ; Gallimard, « Pléiade » : Théâtre complet, 2003, p. 1263.
   
J. Cocteau (1889-1963), Le passé défini : journal, 25 juin 1954 ; Gallimard, « NRF », t. iii, 1989, p. 152.
   

 

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