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Dernière édition MMV - Ours - Minuit  
Musique  
       
 

 

       
La musique dans le théâtre japonais.
  « … Une châtaigne pétant sur la braise, un grillon furibond chantant dans la farine font-ils de la musique ? | En écoutant pour la première fois celle du no, je me suis posé la question. Outre le chœur des récitants, une flûte traversière et deux tambourins en forme de sablier constituent tout l’orchestre. Lorsque le livret l’exige, on ajoute un tambour plus gros. Il faut voir ces deux tambourinaires, leur instrument posé sur l’épaule ou sur les genoux : au prix d’un grand effort, la main droite se détache de la peau, les doigts se crispent, la pomme d’Adam monte et descend, toute l’attitude suggère une tension intolérable qui se défait en un faible gémissement. Puis la main retombe, mais ce n’est pas à tout les coups qu’elle frappe, et quand elle frappe c’est faiblement, avec des doigts de laine. « Rien de trop », voilà ce qu’au xve siècle a écrit Zeami, qui est un des fondateurs du no. Parfois un cri presque animal, une sorte de « yoooup ! » étranglé, précède le son du tambour. Ce mélange incongru ne fait pourtant pas rire. Le plus étonnant est que ces musiciens aux allures de suppliciés, ces récitants immobiles, doigts serrés sur l’éventail, qui vous décochent par rafales un texte que je ne comprends pas, cette musique si lente, si péniblement arrachée, possède un tel pouvoir incantatoire, une magie si souveraine que l’auditeur étranger, à peine revenu de sa stupeur, est proprement « emballé », emporté par plus fort que lui dans l’espace nocturne et raréfié du no. »
       
     
       
     
       
     
       
     
       
 
   
       
       

 

   
N. Bouvier (1929-1998), Chronique japonaise (1975), I, ix : « Le cahier gris », Kyoto, avril 1964 (à un spectacle de no de l’école Kongo) ; Payot, « Petite bibliothèque / Voyageurs », no 53, 1991, p. 84-85.
   

 

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