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Dernière édition MMV - Ours - Minuit  
Public  
       
 

 

       
En public, ou sur un théâtre.
  « Déclamer : réciter en public, ou sur un théâtre quelque discours, quelques vers en comédien, ou en orateur. Cet acteur déclame bien les vers, mais il n’entre pas dans les passions. Ce prédicateur sait bien déclamer, mais ne sait pas émouvoir.
Déclamer signifie aussi : parler avec emportement contre quelqu’un, ou contre ses défauts. Les dévotes sont sujettes à déclamer contre les coquettes, elles les déchirent en toutes les compagnies. On souffre qu’un homme déclame en général contre les vices, mais il ne faut pas qu’il déclame contre les personnes. »
       
Il y a plusieurs publics du théâtre, ou tout au moins deux : l’assemblée du petit nombre des intelligents, et celle du grand nombre
  « Qu’est-ce qu’une pièce de théâtre ? Une fête civique ? Une leçon ? Un délassement ?
Il semble d’abord qu’une pièce de théâtre soit une fête civique, étant un spectacle offert à des citoyens assemblés. Mais notons qu’il y a plusieurs publics du théâtre, ou tout au moins deux : l’assemblée du petit nombre des intelligents et celle du grand nombre. Pour ce grand nombre, les pièces à spectacle (spectacles de | décors et ballets, ou d’émotions visibles et accessibles, Châtelet et Gaîté, Ambigu et Opéra-Comique), qui lui sont délassement surtout, leçon peut-être un peu, parce que le souvenir en dure, mais leçon de sentimentalité fausse et d’esthétique fausse, qui sont les seules vraies pour ceux-là, à qui le théâtre du petit nombre semble incompréhensible ennui. Cet autre théâtre n’est ni fête pour son public, ni leçon, ni délassement, mais action ; l’élite participe à la réalisation de la création d’un des siens, qui voit vivre en soi-même, en cette élite, l’être créé par soi, plaisir actif qui est le seul plaisir de Dieu, et dont la foule civique a la caricature dans l’acte de chair.
Même la foule jouit un peu de ce plaisir de création, toute relativité observée. »
       
Public inculte.
  À propos de la reprise du spectacle de La Machine infernale au théâtre des Célestins de Lyon, au mois de janvier 1954, Jean Cocteau note sa désolation dans son journal.
      « Grand succès – public inculte. Rires intempestifs. Malaise malgré la réussite. Françoise Goléa glisse de l’échelle au dernier acte et se blesse à la cuisse. Plusieurs petits incidents de ce genre. La répétition intime avait marché beaucoup trop bien. Je suis sorti du théâtre assez triste de ce succès d’un spectacle dont la salle ne ressentait pas l’essentiel. Aucune base sérieuse. On parle au public de choses célèbres qu’il ne connaît pas.
À la demande de Gantillon, je m’étais adressé au public avant le spectacle. Après le spectacle, vague champagne au bar du théâtre, avec les grosses légumes du club qui avait organisé la séance. Ces messieurs firent preuve d’une sottise et d’une vulgarité que je n’avais encore rencontrées nulle part au monde. Mon malaise, malgré les applaudissements et les rappels, devait venir de l’extraordinaire perception atmosphérique de l’auteur qui reste dans les coulisses et enregistre les moindres ondes. »
       
Que le public ne sait pas entendre.
  « Il me semble que le public ne sache pas entendre. Il confond deux mots : on entend avec ses deux oreilles, mais on entend – ou l’on tend l’oreille – avec ses doigts de pied. »
       
     
       
     
       
     
       
 
   
       
       

 

   
A. Furetière (1619-1688), Dictionnaire universel (1690), s.v. « Déclamer ».
   
A. Jarry (1873-1907), Textes relatifs à Ubu roi, « Réponses à un questionnaire sur l’art dramatique », 3 ; Gallimard, « Pléiade » : Œuvres complètes, t. i, 1972, p. 411-412.
   
J. Cocteau (1889-1963), Le passé défini : journal, 22 janvier 1954 ; Gallimard, « NRF », t. iii, 1989, p. 19.
   
J. Genet (1910-1986), Œuvres critiques, « Lettres à Roger Blin », 1965-1966 ; Gallimard, « Pléiade » : Théâtre complet, 2002, p. 866.
   

 

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