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Dans le théâtre social des apparences,
où personne ne parle vraiment à personne, où personne n’écoute personne
et où personne ne répond, on fait grand tapage autour de ce qui manque
le plus – les relations « humaines » : les bateleurs
sur l’estrade n’ont que le mot communication à la bouche…
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« La
communication coupée. – Dans le théâtre social des apparences,
où personne ne parle vraiment à personne, où personne n’écoute personne
et où personne ne répond, on fait grand tapage autour de ce qui manque
le plus : les relations « humaines ». Les bateleurs sur
| l’estrade n’ont que le mot communication
à la bouche. On déplore gravement qu’un homme d’État en mauvais état ait
des « problèmes de communication ». On se tourmente parce qu’un
« message ne passe plus ». Et on annonce avec fierté qu’un personnage
de la pièce vient d’engager à son service un « conseiller en communication ».
Quant au contenu de la « communication », quant au sens du « message »,
il n’en est bien entendu jamais question.
Les vrais problèmes de « communication » entre les hommes n’ont
aucun rapport avec les pitreries des experts en communication, des publicitaires
et des manipulateurs de médias. Pascal inventa, deux siècles avant Kafka,
le conte à la Kafka. Il décrivit notre vie comme une cellule où les captifs
attendent qu’on vienne les chercher, à tour de rôle, pour l’exécution.
On pourrait décrire aussi les habitants du cachot allégorique de Pascal,
l’oreille collée au mur, devinant de l’autre côté de la muraille, des
présences et des voix qu’ils ne parviennent pas à comprendre ni à déchiffrer.
La littérature est ce passe-muraille qui tente de « faire passer »
ce que disent les inconnus au-delà des murs. »
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