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Dernière édition MMV - Ours - Minuit  
Trac  
       
 

 

       
Avant une conférence, un récital ou une pièce de théâtre, il arrive à celui qui va paraître en public d’éprouver ce qu’on nomme le trac
  « Avant une conférence, un récital ou une pièce de théâtre, il arrive à celui qui va paraître en public d’éprouver ce qu’on nomme le trac. Mais à une équipe, qu’arrive-t-il avant une rencontre décisive ? Chacun, à part, peut avoir peur, mais l’angoisse de tous pousse parfois le groupe à se surpasser. La collectivité ressent-elle quelque chose ? Je ne sais, mais je vois bien qu’elle se dissout, que dès les premières minutes rien ne va plus, que l’équipe ne se soude pas, comme si le trac la paralysait, elle en tant que telle, plus encore que chacun des individus. Elle s’effondre ou s’améliore pour une même raison.
Nous ne comprenons pas ce que cela veut dire, et maîtrisons mal cette panique collective. Elle habite au milieu de nous, hors de chacun, dans le groupe, de sorte qu’on peut la placer, selon le sens qu’on donne au pronom de la première personne du pluriel, à l’extérieur de nous et à l’intérieur de nous, en dehors des individus et dans l’équipe elle-même. Cette curieuse position de quelque chose, ici l’inquiétude, définit le nous, le collectif en général.
Le travail instinctif du capitaine consiste à prendre cette place ; aveuglément, les grands politiques la connaissent et la hantent et, de là étant, dirigent le groupe, usent ou abusent du pouvoir. Ils restent des individus, mais quelque chose, en eux, sort d’eux pour prendre le lieu extérieur aux individus, mais intérieur au collectif. Le chef porte alors sur lui l’angoisse, et l’équipe vole à la victoire. Il possède bien un double corps, personnel et social : que nul n’ordonne s’il ne sait se décorporer. »
       
Le trac originel.
  « Le trac devant quoi que ce soit, devant le plein et le vide également. Le trac originel… »
       
     
       
     
       
     
       
 
   
       
       

 

   
M. Serres, Statues : le second livre des fondations (1987), « Au Grand Siècle », “La poutre : Objet, dieu”, Flammarion, « Champs », 1989, p. 181.
   
E. Cioran (1911-1995), De l’inconvénient d’être né (1973), xi ; Gallimard, « Quarto » : Œuvres, 1995, p. 1386.
   
 
   
 
   
 
   
 
   
   
   
   
   

 

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