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  Dire  

  C’est tout dire, n’est-ce pas ?
 
 
     
Enfin, être saint : c’est dire tout en un seul mot
  « Enfin, être saint. – C’est dire tout en un seul mot. La vertu est la chaîne de toutes les perfections, et le centre de toute la félicité. Elle rend l’homme prudent, attentif, avisé, sage, vaillant, retenu, intègre, heureux, plausible, véritable, et héros en tout. Trois S le font heureux : la santé, la sagesse, la sainteté. La vertu est le soleil du petit monde, et elle a la bonne conscience pour hémisphère. Elle est si belle, qu’elle gagne la faveur du Ciel et de la Terre. Il n’y a rien d’aimable qu’elle, ni de haïssable que le vice. La vertu est une chose tout à bon, tout le reste n’est qu’une moquerie. La capacité et la grandeur se doivent mesurer sur la vertu, et non pas sur la fortune. La vertu n’a besoin que d’elle-même, elle rend l’homme aimable durant sa vie, et mémorable après sa mort. »  
 
 
     
Heureux les peuples où l’on peut tout dire et tout écrire !
  « Ma maison semblait faite exprès pour y tenir une amie avec toute la décence | possible ; et, comme j’avais la vertu de la constance, il ne me fallait que cela pour être heureux. Mais comment trouver à Londres une femme qui me convînt et qui, sous le rapport du caractère, ressemblât à quelqu’une de celles que j’avais tant aimées ? J’avais déjà vu une cinquantaine de filles que tout le monde trouvait jolies, et que je n’avais pas même trouvées passables. Comme j’y pensais sans cesse, il me vint une idée bizarre à laquelle je m’arrêtai.
J’appelai ma vieille housekeeper (femme de charge), et je lui fis dire par la fille qui nous servait d’interprète que je voulais louer le second ou le troisième pour avoir une compagnie et que, quoique j’en fusse le maître, je voulais lui faire présent d’une demi-guinée par semaine ; et sur-le-champ je lui ordonnai d’afficher à la fenêtre l’écriteau suivant : « Second ou troisième à louer à bon marché, en garni, à une jeune demoiselle seule et libre, qui parle anglais et français, et qui ne reçoive aucune visite, ni de jour ni de nuit. »
La vieille Anglaise, qui avait rôti le balai, se prit si fort à rire quand la fille lui expliqua l’écriteau, que je crus qu’elle en étoufferait.
« Pourquoi riez-vous tant, ma bonne dame ?
– Parce que cet écriteau est fait pour faire rire.
– Vous croyez sans doute que personne ne se présentera pour louer l’appartement ?
– Oh ! bien au contraire. J’aurai du matin au soir une foule de curieuses. Mais j’en laisserai l’embarras à Fanny. Veuillez me dire seulement ce que je dois demander.
– Je veux faire le prix moi-même en parlant à la demoiselle. Je ne crois pas que les filles se présentent en si grand nombre, car je veux qu’elle soit jeune, qu’elle parle anglais et français, et, de plus, qu’elle soit honnête fille ; car elle ne doit absolument recevoir aucune visite, pas même de père et de mère, si elle en a.
– Mais il y aura toujours à notre porte une foule de monde pour lire l’écriteau.
– Tant mieux. La singularité ne gâte rien. »
Ainsi que la vieille me l’avait dit, dès que l’écriteau fut affiché, chacun s’arrêtait pour le lire et, après avoir fait des commentaires, on s’en allait en riant. Dès le second jour, mon nègre Jarbe m’apprit que mon annonce se trouvait en toutes lettres dans la Saint James’ Chronicle avec un commentaire plaisant. Je me fis apporter cette feuille, et Fanny me la traduisit ainsi : « Le maître du second et du troisième occupe probablement le premier. Il doit être homme de plaisir et de goût, car il veut une locataire jeune sans doute, seule et libre ; et, comme elle ne pourra recevoir aucune visite, il faudra bien qu’il s’engage à lui faire bonne compagnie. » Il ajoutait : « Ce qu’il y a à craindre, c’est que le propriétaire ne soit la dupe de son marché ; car il est fort possible que telle jolie fille ne loue que pour y aller coucher, et même que pour n’y aller qu’une fois de temps à autre ; en outre, cette jolie fille pourrait bien refuser, si la chose lui convenait, la visite du propriétaire. »
Cette glose, fort bien raisonnée, me fit plaisir, car elle me prémunissait contre les surprises.
Voilà ce qui rend les feuilles anglaises séduisantes. On y jase en toute liberté sur tout ce qui se passe, et elles ont le talent de rendre intéressantes les plus simples bagatelles. Heureux les peuples où l’on peut tout dire et tout écrire. »
 
 
 
     
Évidemment, on peut tout dire
  « Un jeune critique, parlant d’un des premiers ouvrages de Michaux, Équateur, le qualifie d’ontologie anecdotique(!). Évidemment, on peut tout dire. »  
 
 
     
Tout est dit, et l’on vient trop tard depuis plus de sept mille ans qu’il y a des hommes et qui pensent…
  « Tout est dit, et l’on vient trop tard depuis plus de sept mille ans qu’il y a des hommes et qui pensent. Sur ce qui concerne les mœurs, le plus beau et le meilleur est enlevé ; l’on ne fait que glaner après les anciens et les habiles d’entre les modernes. »  
         
Tout est dit, – on le dit trop.
  « – Tout est dit.
– Oui, mais on le dit trop. »
 
         
Rien nest dit : lon vient trop tôt
  « Rien n’est dit. L’on vient trop tôt depuis plus de sept mille ans qu’il y a des hommes. Sur ce qui concerne les mœurs, comme sur le reste, le moins bon est enlevé. Nous avons l’avantage de travailler après les anciens, les habiles d’entre les modernes. »  
 
 
     
Tout a été dit, sans doute…
  « Tout a été dit. Sans doute. Si les mots n’avaient changé de sens ; et les sens, de mots. »  
 
 
     
Le mérite de pouvoir tout comprendre avant qu’on n’ait tout dit.
  « Votre mérite, mon amie, n’est pas seulement de pouvoir tout comprendre, mais de pouvoir tout comprendre avant qu’on n’ait tout dit. Monique, me comprenez-vous ? »  
 
 
     
N’essayez pas de tout dire et tout à la fois…
  « Je ne puis qu’approuver votre projet qui serait consacré à « l’attention passionnée du corps » et portée au corps. Tout est à faire dans ce domaine en Occident où la technique, la passion d’acquérir et de posséder, l’impossibilité de sentir le corps et l’esprit unis comme deux mains jointes, ont pris amplement le dessus. Je vous mets seulement en garde contre la prolixité dont votre lettre souvent témoigne. N’essayez pas de tout dire et tout à la fois. »  
 
 
     
 
 
     
 
 
     
 
 
     
 
 
     
 
 
     
 
 
     
 
 
     
 
 
     
         
         
         
         
         
         
         
         
         
         
         
         
         
 
 
     
 
 
     
 
 
     
 
 
     

   
B. Gracián (1601-1658), Oráculo manual y Arte de prudencia (1647), § 300 : En una palabra, santo, que es dezirlo todo de una vez. Es la virtud cadena de todas las perfecciones, centro de las felicidades. Ella haze un sugeto prudente, atento, sagaz, cuerdo, sabio, valeroso, reportado, entero, feliz, plausible, verdadero y universal Hérœ. Tres eses hazen dichoso : santo, sano y sabio. La virtud es el Sol del mundo menor, y tiene por emisferio la buena conciencia ; es tan hermosa, que se lleva la gracia de Dios y de las gentes. No ai cosa amable sino la virtud, ni aborrecible sino el vicio. La virtud es cosa de veras, todo lo demás de burlas. La capacidad y grandeza se ha de medir por la virtud, no por la fortuna. Ella sola se basta a sí misma. Vivo el hombre, le haze amable ; y muerto, memorable. – Trad. Amelot de La Houssaie (1634-1706) : L’Homme de cour, 1684.
   
G. Casanova (1725-1798), Mémoires : histoire de ma vie, chap. cvi ; Arléa, 1993, p. 1446-1447.
   
E. Cioran (1911-1995), Cahiers (1957-1972), fin décembre 1968 ; Gallimard, « N.R.F. », 1997, p. 654.
   
La Bruyère (1645-1696), Les Caractères, i, « Des ouvrages de l’esprit ».
   
J. Renard (1864-1910), Journal, octobre 1898 ; Gallimard, « Pléiade », 1965, p. 504.
   
Lautréamont (1846-1870), Poésies (1870), second fascicule ; Œuvres complètes, Gallimard, « Pléiade », 1970, p. 292.
   
J. Paulhan (1884-1968), « Notes », 1951 ; Cercle du livre précieux : Œuvres complètes, t. iv, 1969, p. 7.
   
M. Yourcenar (1903-1987), Alexis, ou le Traité du vain combat (1929), 1971 ; Gallimard, « Pléiade » : Œuvres romanesques, 1982, p. 22.
   
M. Yourcenar (1903-1987), Lettres à ses amis et à quelques autres (1909-1987), à Fabrice Rozié, Northeast Harbor, 6 décembre 1985 ; Gallimard, « NRF », 1995, p. 665.
   
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