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Du point de vue de Sirius ou de la Raison pure, il n’y a pas moins de
mystère dans cet allant et cet allegria qui font les
humains aller de l’avant malgré tout, que dans les
humeurs noires de l’anxiété…
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« L’état
intérieur qu’on nomme « dépressif », avec toutes ses nuances,
qui vont de la mélancolie à la démence, est une énigme pour les « bien
portants », ceux qui, en effet, se supportent assez bien. Il est probable
que, du point de vue de Sirius ou de la Raison pure, il n’y a pas moins
de mystère dans cet allant et cet allegria qui font les humains aller de
l’avant malgré tout, que dans les humeurs noires de l’anxiété. Il y a exactement
autant de motifs de trouver du plaisir à exister que de bons arguments pour
juger la vie difficilement | supportable. L’atrabilaire et l’anxieux y voient
clair : ils voient le malheur, l’injustice, l’horreur et le noir au
bout du chemin de tous. Le bon vivant doué d’un heureux naturel y voit clair :
il voit le soleil se lever tous les jours, trouve que le pain a bon goût
et que les êtres lui sourient quand il leur sourit. Celui qu’éclaire « le
soleil noir de la mélancolie » pense qu’à ce monsieur qui passe, trop
évidemment heureux, l’évidence de son bonheur doit cacher quelque chose.
Mais celui qui est très content pense que Jean-qui-pleure pleure trop :
ses larmes doivent aussi lui cacher quelque chose. Les hommes ont inventé
Dieu pour qu’il y ait au moins quelqu’un qui voit tout, et dont le regard
embrasse à la fois la face de lumière et la face d’ombre de la vie. »
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