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  Idée  

  La prison entretient avec les Idées une vieille relation dont la tradition remonte à Platon (le mythe de la caverne).
Sans remonter à Socrate, on a tout intérêt à raconter l’histoire de la prison : cette histoire nous empêche de considérer la forme que la prison a reçue au cours des derniers siècles comme une évidence tombée du ciel des Idées éternelles. On se fait tant d’idées sur la prison...
 
 
 
 
Une idée fixe, une idée rengaine (j’ai toujours pensé à la vie d’un homme qui est en prison pour toujours).
  « Une idée fixe, une idée rengaine. J’ai toujours pensé à la vie d’un homme qui est en prison pour toujours. Je ne sais pas ce qui est là-dedans, qui pour moi se préfigure. Il m’est venu tout à coup à l’esprit que cet homme pourrait être amoureux. Considérer ici la possibilité, puis la nommer pouvoir. Je me suis surpris, qui disais : Un prisonnier qui ne serait pas amoureux. »  
         
Les Tartares regardent les villes comme une prison (c’est un cercle où les idées se resserrent, se concentrent, en ôtant à l’âme et à l’esprit leur étendue et leur développement).
  « Un philosophe regarde ce qu’on appelle un état dans le monde, comme les Tartares regardent les villes, c’est-à-dire comme une prison. C’est un cercle où les idées se resserrent, se concentrent, en ôtant à l’âme et à l’esprit leur étendue et leur développement. Un homme qui a un grand état dans le monde, a une prison plus grande et plus ornée. Celui qui n’y a qu’un petit état, est dans un cachot. L’homme sans état est le seul homme libre, pourvu qu’il soit dans l’aisance, ou du moins qu’il n’ait aucun besoin des hommes. »  
 
 
 
 
Le sage n’est en possession d’aucune idée, – prisonnier d’aucune.
 
« Un sage, poserons-nous d’emblée, est sans idée.
« Sans idée » signifie qu’il se garde de mettre une idée en avant des autres – au détriment des autres : il n’est pas d’idée qu’il mette en tête, posée en principe, servant de fondement ou simplement de début, à partir de quoi pourrait se déduire ou, du moins, se déployer sa pensée. Principe, arché : à la fois ce qui commence et ce qui commande, ce par quoi la pensée peut débuter. Lui posé, le reste suit. Mais, justement, c’est là le piège, le sage craint cette direction aussitôt prise et l’hégémonie qu’elle instaure. Car l’idée à peine avancée a fait refluer les autres, quitte ensuite à se les associer, ou plutôt elle les a déjà jugulées en sous-main. Le sage craint ce pouvoir ordonnateur du premier. Ainsi, ces « idées », veillera-t-il à les garder sur le même plan – et c’est là sa sagesse : à les tenir également possibles, également accessibles, sans qu’aucune, en passant devant, ne vienne cacher l’autre, ne fasse ombrage à l’autre, bref sans qu’aucune soit privilégiée.
« Sans idée » signifie que le sage n’est en possession d’aucune, prisonnier d’aucune. »
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

   
L. Aragon (1897-1982), La défense de l’infini (1923-1927), « Le cahier noir », iv ; Gallimard, « Pléiade » : Œuvres romanesques complètes, t. i, 1997, p. 495.
   
Chamfort (1742-1794), Maximes et pensées, chap. IV : « Du goût pour la retraite et de la dignité du caractère », § 268 ; Vialetay Éditeur, « Prestige de l’Académie Française », Paris, 1970, p. 73.
   
F. Jullien (1951), Un sage est sans idée, ou l’autre de la philosophie (1998), I, chap. i : « Sans rien avancer », 1 ; Seuil, « L’ordre philosophique », 1998, p. 13.
   
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