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Dernière édition MMV - Ours - Minuit
Dilemme
         
 

Certains problèmes, en particulier ceux de l’action, peuvent se poser comme un dilemme.

  Le mot « dilemme » est un d’abord un terme de logique grecque.
Au sens premier, ce terme désigne une forme de raisonnement, dans lequel deux prémisses contraires – dont l’une est fausse si l’autre est juste – conduisent toutes deux à une même solution. Il est habile de construire ou de poser un dilemme, surtout s’il est sans réplique. On peut aussi refuser un dilemme. On doit surtout éviter de s’enfermer dedans.
  Par extension, la notion de dilemme s’étend à la nécessité de devoir choisir entre les deux termes contradictoires – et également frustrants – d’une alternative. En ce sens, un dilemme peut être cruel, abominable ou angoissant – ce qui constitue, d’ailleurs un excellent ressort dramaturgique.
   
         

En toute logique.

     
 

Se dit d’un argument fourchu.
« Terme dogmatique, qui se dit d’un argument fourchu, qui après avoir divisé une proposition en affirmative et en négative, fait voir de l’absurdité des deux côtés. »
         
 
Argument présentant deux propositions contraires et conditionnelles, dont on laisse l’alternative à l’adversaire
« Terme de logique. Argument présentant deux propositions contraires et conditionnelles, dont on laisse l’alternative à l’adversaire, certain que l’une comme l’autre le convaincra. Poser un dilemme. Il fut enfermé dans un dilemme dont il ne put se tirer. »
   
 
   
Le dilemme d’Alfred Nobel.
« Les physiciens se trouvent aujourd’hui placés dans une situation qui rappelle fortement le dilemme d’Alfred Nobel. Alfred Nobel avait découvert un explosif d’une puissance destructrice plus forte que tout ce qu’on connaissait jusque-là. Pour expier cet « exploit » et soulager sa conscience, il fonda un prix de la paix.
Aujourd’hui, les physiciens qui ont aidé à construire l’arme la plus puissante du monde sont tourmentés par un même sentiment de responsabilité, pour ne pas dire de culpabilité.
En tant que scientifiques, nous devons sans relâche mettre en garde contre les dangers de cette arme. Sans relâche, nous devons mettre sous les yeux des peuples, et surtout des gouvernements du monde, l’épouvantable catastrophe qu’ils provoqueront s’ils ne savent pas modifier les rapports qu’ils ont entre eux, et reconnaître la responsabilité qui leur incombe quant au visage que prendra l’avenir.
Nous avons poussé à la construction de cette nouvelle arme pour empêcher les ennemis de l’humanité de nous devancer dans cette voie ; quand on songe à ce qu’était la mentalité des nazis, on peut imaginer quelles indescriptibles destructions, quel asservissement du monde en seraient résultés s’ils avaient pu construire la bombe avant nous. Cette arme a été remise aux mains du peuple américain et du peuple anglais pour qu’ils s’en servent au nom de toute l’humanité, en combattants de la paix et de la liberté.
Mais, à ce jour, ni la paix, ni aucune des libertés promises dans la Charte de l’Atlantique ne sont assurées. La guerre est gagnée – mais pas la paix. Les grandes puissances, unies dans la guerre, se sont divisées sur les questions qui touchent à la conclusion de la paix. »
   
 
   
Dilemme et responsabilité : la question des ressources en écologie.
« – Est-ce que vous pensez qu’on se sent maintenant plus responsable devant la nature ?
– Je crois que pour la première fois nous savons que nous sommes responsables et pour la première fois, nous arrivons presque à un point de non-retour. À cause des techniques modernes, nous pouvons détruire beaucoup plus vite. Au fond, l’homme a toujours détruit, mais dans une petite mesure. Il coupait quelques arbres autour de sa maison, il chassait, tuait quelques animaux. Ça n’avait pas un très grand effet sur l’ordre des choses. | Maintenant, tout ce que nous faisons détruit. Quoi que nous fassions. Il y a même un dilemme curieux dont je suis très consciente. Si je veux laver la vaisselle et que je tourne le robinet de l’évier, je me dis : “Doucement, n’utilisons pas trop d’eau, l’eau commence à devenir rare un peu partout. Mais qu’est-ce que je vais faire ? Terminer le nettoyage de ma poêle à frire avec un morceau de papier ? Alors, attention aux forêts détruites. Aux forêts qui ont produit ce papier.” Cruel dilemme. Quoi qu’on fasse, on se pose la question. »
   
 
   
Les attitudes devant l’avortement relèvent, non de grands dilemmes moraux éternels et simples, mais de pensées compliquées et très datées…
« Bref, rien ne va de soi en histoire, et la notion même d’avortement l’illustre bien : il est des peuples qui ne la distingue pas de la prévention des naissances, si bien que le mot que nous traduisons par « avortement » n’a pas ce sens. Un grand romancier japonais, Saikaku, a raconté, à la fin du xviie siècle, la Vie d’une amie de la Volupté, d’une courtisane. Or son héroïne s’est faite « avorter », au cours de sa vie, cent dix fois ! Le roman est réaliste et une hyperbole est exclue : il est clair que ce nombre de cent dix est celui des enfants qui, sans pratiques contraceptives, auraient été conçus.
L’idée d’avortement varie historiquement et les attitudes devant l’avortement, de la tolérance à l’interdiction, relèvent, non de grands dilemmes moraux éternels et simples, mais de pensées compliquées et très datées. »
         
La vie n’est pas un dilemme, c’est un acte gratuit ; et l’action libère.
« Et la tristesse (tristitia), ce huitième péché capital et le seul mortel car il n’y a pas d’autre remède que la prière, affirme saint Cassien qui analyse la tristesse, et personne ne sait plus prier ; dans le monde entier, depuis juin 40, la France s’abandonnant, la fille aînée de l’Église.
… Je n’ai pas été touché par la grâce… Je n’ai jamais su prier… Black-outNacht und NebelLe rideau de ferBikini… C’est une prière à rebours… une litanie laïque… On entre dans une éclipse totale… La jeunesse meurt par asphyxie… La nuit noire… Une congestion par manque de lumière… La Révolution ou Amen…
Mais ce n’est pas vrai. La vie n’est pas un dilemme. C’est un acte gratuit. Et l’action libère. C’est pourquoi Dieu est le Créateur. Son souffle donne vie. C’est l’évasion.
Vivez, ah ! vivez donc, et qu’importe la suite ! N’ayez pas de remords, vous n’êtes pas juge. »
         
         

 

A. Furetière (1619-1688), Dictionnaire universel (1690), s.v. « Dilemme ».
   
É. Littré (1801-1881), Dictionnaire de la langue française, s.v. « Dilemme ».
   
A. Einstein (1879-1955), « Allocution au dîner de l’American Nobel Center », 10 décembre 1945 ; Seuil/C.N.R.S., « Sources du savoir » : Œuvres choisies d’Albert Einstein, t. VI : « Écrits politiques », 1991, p. 190.
   
M. Yourcenar (1903-1987), Portrait d’une voix : vingt-trois entretiens (1952-1987), entretien avec Pierrette Pompon-Bailhache, paru dans Marie-Claire, avril 1979 ; Gallimard, « N.R.F. », 2002, p. 208-209.
   
P. Veyne, « L’avortement à Rome », L’histoire, no 16, octobre 1979, p. 32.
   
B. Cendrars (1887-1961), Bourlinguer (1948), « Gênes : l’épine d’Ispahan » ; Denoël : Œuvres complètes, t. VI, 1961, p. 179.
   
   

 

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