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  Grave  

  Un problème est plus ou moins grave, certes. Du moins ceux qui le soulèvent, ou ceux pour lesquels il se pose, en connaissent trop le poids pour le prendre à la légère. Mais est-ce si grave ?
Le problème au fond revient souvent à se demander : qu’est-ce qui est grave ? Ou qu’est-ce qui ne l’est pas ?
La plupart du temps, chacun de nous se laisse ensorceler par la gravité de l’opinion (vox populi, vox dei), de même que la gravité d’une voix en impose à tous les chiens couchants. Un rien nous semble grave. De grâce, mieux vaut ne rien aggraver sans nécessité !
         
         
Grave, ou gravement.
  « Grave, ou Gravement : Adverbe qui marque lenteur dans le mouvement, et de plus, une certaine gravité dans l’exécution. »  
         
Grave ou aigu ?
  « Grave, adj., est opposé à aigu. Plus les vibrations du corps sonore sont lentes, plus le son est grave. (Voyez son, gravité.) »  
         
Gravité.
  « Gravité, s. f. : C’est une modification du son par laquelle on le considère comme grave ou bas, par rapport à d’autres sons qu’on appelle hauts ou aigus. Il n’y a point, dans la langue française, de corrélatif à ce mot ; car celui d’acuité n’a pu passer.
La gravité des sons dépend de la grosseur, longueur, tension des cordes, de la longueur et du diamètre des tuyaux, et en général du volume et de la masse des corps sonores. Plus ils ont de tout cela, plus leur gravité est grande ; mais il n’y a point de gravité absolue, et nul son n’est grave ou aigu que par comparaison. »
 
         
Grave question qu’il est bon de sonder un peu sans grand espoir de la résoudre
  « Est anomal ce qui fait exception à la règle, formulée d’après l’ensemble des faits concordants. L’insecte a six pattes, chacune terminée par un doigt. Voilà la règle. Pourquoi six pattes et non un autre nombre ; pourquoi un seul doigt et non plusieurs ? De pareilles questions ne nous viennent même pas à l’esprit, tant leur inanité nous paraît évidente. La | règle est parce qu’elle est ; on la constate, et voilà tout. Sa raison d’être nous laisse dans une tranquille ignorance.
L’anomalie, au contraire, nous inquiète, nous tourneboule la pensée. Pourquoi des exceptions, des irrégularités, des démentis au texte de la loi ? La griffe du désordre laisserait-elle, par-ci, par-là, son empreinte ? De folles discordances hurleraient-elles dans le concert général ? Grave question qu’il est bon de sonder un peu sans grand espoir de la résoudre. »
 
         
Les Romains n’ont eu à affronter que deux problèmes graves et même mortels
 

« Les Romains ont eu la chance de vivre en un monde où l’inégalité économique entre les nations était moins grande qu’aujourd’hui (ce qui fait que la jalousie est actuellement le sentiment le plus répandu sur le globe ; vous me jetteriez un regard étonné si je vous disais qu’on appelle cela l’« impérialisme américain »). Les Romains vivaient à une époque où la coïncidence entre le peuple et l’ethnie | devait encore attendre dix-neuf siècles avant de naître ; où le Dieu jaloux restait dans son petit coin palestinien, où les dieux de chaque peuple passaient pour vrais aux yeux des peuples voisins (il y avait des dieux étrangers inconnus, de même qu’il y a des plantes et des pierres précieuses inconnues dans une contrée étrangère, mais qui n’en existent pas moins).
Somme toute, les Romains ont à leur actif d’avoir appliqué la banale recette de se ménager des « collabos », et ils n’ont eu à affronter que deux problèmes graves et même mortels : l’étendue trop longue de leurs frontières et la jalousie irrémédiable qu’éprouvait envers cet empire « mondial » un moindre empire voisin, celui des Parthes. »

 
         
L’auteur de cet itinéraire a un grand désavantage :
rien ou presque rien, ne lui semble valoir la peine qu’on en parle avec gravité
  « L’auteur de cet itinéraire a un grand désavantage : rien ou presque rien, ne lui semble valoir la peine qu’on en parle avec gravité. Le xixe siècle pense tout le contraire, et a ses raisons pour cela. La liberté, en appelant à donner leur avis à une infinité de braves gens qui n’ont pas le temps de se former un avis, met tout parleur dans la nécessité de prendre un air grave qui en impose au vulgaire, et que les sages pardonnent, vu la nécessité des temps.
Cet itinéraire n’aura donc pas le pédantisme nécessaire. À cela près, pourquoi ne mériterait-il pas d’être lu par le voyageur qui va devers Rome ? »
 
         
       
         
 
     
         
         

   
J.-J. Rousseau (1712-1778), Dictionnaire de musique (1749-1764), s. v. « Grave ou Gravement » ; Gallimard, « Pléiade » : Œuvres complètes, t. V, 1995, p. 843.
   
J.-J. Rousseau (1712-1778), Dictionnaire de musique (1749-1764), s. v. « Grave » ; Gallimard, « Pléiade » : Œuvres complètes, t. V, 1995, p. 844.
   
J.-J. Rousseau (1712-1778), Dictionnaire de musique (1749-1764), s. v. « Gravité » ; Gallimard, « Pléiade » : Œuvres complètes, t. V, 1995, p. 844.
   
J.-H. Fabre (1823-1915), Souvenirs entomologiques : étude sur l’instinct et les mœurs des insectes (1879-1907), « Dixième série », chap. xiii : “Les anomalies” ; Robert Laffont, « Bouquins », t. ii, 1989, p. 981-982.
   
P. Veyne (1930), Le Quotidien et l’intéressant : entretiens avec Catherine Darbo-Peschanski, « Réponses », Première partie : « Choisir l’histoire », Chapitre i : “L’histoire romaine” ; Les Belles lettres, 1995, p. 100-101.
   
Stendhal (1783-1842), Promenades dans Rome (1829), « Avertissement » ; Gallimard, « Pléiade » : Voyages en Italie, 1973, p. 597.
   
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