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  On pose un problème comme on (se) pose une question. Ou comme on pose sa voix : sur du gravier, pas sur du sable.
Avant même de chercher une solution, il faut savoir s’y prendre, et poser le problème correctement, dans le bon sens. Commencer par le décrire n’apporte peut-être pas la solution, mais cette première résolution n’est pas mauvaise.
 
 
     
Qu’est-ce que poser un problème ?
C’est expliquer pourquoi une question se pose, et doit se poser, non à tel ou tel individu, mais pour tout esprit raisonnable fini, doué d’une culture au moins minimum…
 
 
« Une difficulté à résoudre. Une question ? C’est ordinairement la forme que prend pour nous un problème, ou plutôt que nous lui donnons. D’où ce passage fameux de Bachelard : « Avant tout, il faut savoir poser des problèmes. Et, quoi qu’on dise, dans la vie scientifique, les problèmes ne se posent pas d’eux-mêmes. C’est précisément ce sens du problème qui donne la marque du véritable esprit scientifique. Pour un esprit scientifique, toute connaissance est une réponse à une question. S’il n’y a pas eu de question, il ne peut y avoir connaissance scientifique. Rien ne va de soi. Rien n’est donné. Tout est construit. » Cela vaut aussi en philosophie, et sans doute pour toute pensée digne de ce nom. Mais toute question n’est pas un problème. Par exemple quelqu’un vous demande l’heure : c’est une question, pas un problème. Si vous lui demandez : « Pourquoi voulez-vous savoir l’heure qu’il est ? », vous transformez – en l’occurrence indûment – sa question en problème. Il pourrait vous le reprocher : « Pourquoi faites-vous un problème de ma question ? » En philosophie, c’est différent. Seuls les problèmes comptent, qu’il faut poser avant de les résoudre. Qu’est-ce que poser un problème ? C’est expliquer pourquoi une question se pose, et doit se poser, non à tel ou tel individu, mais pour tout esprit raisonnable fini, doué d’une culture au moins minimum. Tel est le but de l’introduction, dans une dissertation philosophique : il s’agit de passer de la contingence d’une question à la nécessité d’un problème, avant d’élaborer, si possible, une problématique. »
 
         
Vous connaissez le mot de Marx ? L’humanité ne se pose que des problèmes qu’elle peut résoudre. Je crois qu’on peut dire : l’humanisme feint de résoudre des problèmes qu’il ne peut pas se poser
 
« Les découvertes de Lévi-Strauss, de Lacan, de Dumézil appartiennent à ce qu’il est convenu d’appeler les sciences humaines ; mais ce qu’il y a de caractéristique, c’est que toutes ces recherches non seulement effacent l’image traditionnelle qu’on s’était fait de l’homme, mais à mon avis elles tendent toutes à rendre inutile, dans la recherche et dans la pensée, l’idée même de l’homme. L’héritage le plus pesant qui nous vient du xixe siècle – et dont il est grand temps de nous débarrasser –, c’est l’humanisme. […]
L’humanisme a été une manière de résoudre, dans des termes de morale, de valeurs, de réconciliation, des problèmes que l’on ne pouvait pas résoudre du tout. Vous connaissez le mot de Marx ? L’humanité ne se pose que des problèmes qu’elle peut résoudre. Je crois qu’on peut dire : l’humanisme feint de résoudre des problèmes qu’il ne peut pas se poser […]. Les problèmes des rapports de l’homme et du monde, le problème de la réalité, le problème de la création artistique, du bonheur, et toutes les obsessions qui ne méritent absolument pas d’être des problèmes théoriques… Notre système ne s’en occupe absolument pas. Notre tâche actuellement est de nous affranchir définitivement de l’humanisme, et, en ce sens, notre travail est un travail politique. […]
Sauver l’homme, redécouvrir l’homme en l’homme, etc., c’est la fin de toutes ces entreprises bavardes, à la fois théoriques et pratiques, pour réconcilier, par exemple, Marx et Teilhard de Chardin (entreprises noyées d’humanisme qui ont frappé de stérilité depuis des années tout le travail intellectuel…). Notre tâche est de nous affranchir définitivement de l’humanisme, et c’est en ce sens que notre travail est un travail politique, dans la mesure où tous les régimes de l’Est ou de l’Ouest font passer leur mauvaise marchandise sous le pavillon de l’humanisme… Nous devons dénoncer toutes ces mystifications, comme actuellement, à l’intérieur du P.C., Althusser et ses compagnons courageux luttent contre le chardino-marxisme… »
 
         
Savoir poser les problèmes : logique.
  « Une logique de l’interrogation. Savoir poser les problèmes. »  
         
Avant tout, il faut savoir poser des problèmes ; et quoi qu’on dise, dans la vie scientifique, les problèmes ne se posent pas d’eux-mêmes...
 
« La science, dans son besoin d’achèvement comme dans son principe, s’oppose absolument à l’opinion. S’il lui arrive, sur un point particulier, de légitimer l’opinion, c’est pour d’autres raisons que celles qui fondent l’opinion ; de sorte que l’opinion a, en droit, toujours tort. L’opinion pense mal ; elle ne pense pas : elle traduit des besoins en connaissances. En désignant les objets par leur utilité, elle s’interdit de les connaître. On ne peut rien fonder sur l’opinion : il faut d’abord la détruire. Elle est le premier obstacle à surmonter. Il ne suffirait pas, par exemple, de la rectifier sur des points particuliers, en maintenant, comme une sorte de morale provisoire, une connaissance vulgaire provisoire. L’esprit scientifique nous interdit d’avoir une opinion sur des questions que nous ne comprenons pas, sur des questions que nous ne savons pas formuler clairement. Avant tout, il faut savoir poser des problèmes. Et quoi qu’on dise, dans la vie scientifique, les problèmes ne se posent pas d’eux-mêmes. C’est précisément ce sens du problème qui donne la marque du véritable esprit scientifique. Pour un esprit scientifique, toute connaissance est une réponse à une question. S’il n’y a pas eu de question, il ne peut y avoir connaissance scientifique. Rien ne va de soi. Rien n’est donné. Tout est construit. »
 
         
Se poser un problème préalable et essayer de le résoudre.
 
« Peindre sans être peintre n’est pas commode. Il importe de se poser un problème préalable et d’essayer de le résoudre. De copier réalistiquement une idée abstraite de tableau. Cette idée, et ce qui en résulte, ne correspondent généralement pas avec l’idée que les autres se forment de ce que nous devrions faire et de ce qu’ils | feraient à notre place. Une solitude neuve s’ajoute à la solitude d’écrire, une des plus grandes qui soient ! »
 
 
 
     
         
       
         
       
         
       
         
       
         
       
         
         
         
         
         
         
         
         
         

   
A. Comte-Sponville, Dictionnaire philosophique, s.v. « Problème » ; P.U.F., « Perspectives critiques », 2001, p. 472.
   
M. Foucault (1926-1984), « Entretien avec Madeleine Chapsal », mai 1966 ; Gallimard, « Quarto » : Dits et écrits, t. i, 2001, p. 544.
   
R. Queneau (1903-1976), Journaux (1914-1965), 1950, no 223 ; Gallimard, « NRF », 1996, p. 692.
   
G. Bachelard (1884-1962), La Formation de l’esprit scientifique : contribution à une psychanalyse de la connaissance objective (1938), Chap. I : « La notion d’obstacle épistémologique », i ; Librairie Vrin, 1975, p. 14.
   
J. Cocteau (1889-1963), « Cocteau peintre », rencontre avec Jean-Albert Cartier, septembre 1954 ; in Le passé défini : journal, « Annexes », xxii, Gallimard, « NRF », t. III, 1989, p. 369-370.
   
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