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  Vaurien  

  Le vaurien porte bien son nom, – inutile de faire un dessin. Par exemple, le truand est un vaurien.
         
Escrocs et vauriens.
  « Le lendemain de ce jour délicieux, mon mauvais génie me mena à la Ville-de-Lyon. C’était l’auberge où logeaient Piccolomini et sa femme, que je trouvai au milieu d’une troupe d’escrocs et de vauriens comme eux. »  
         
Un homme qui ne sait pas pleurer est indigne de confiance, c’est juste un mauvais cœur, autant dire : un vaurien.
  « Les Coréens fondent en larmes à propos de bottes. L’instant d’après, ils ont tout oublié ; la terre a retrouvé son | axe. Ils papotent alors avec les voisins, écrasent un pou trouvé dans une couture, ou s’occupent à extraire un point noir de leur nez. Ils ont beau pouvoir vous annoncer en souriant la mort de leur père et être plus durs que silex, n’importe quelle bluette, évocation élégiaque d’amours contrariées ou de lune décroissante vous les met sur les genoux. Vingt siècles de confucianisme rigoureux les ont sans doute raidis et empesés, mais sans rien changer à leur nature profonde. Peuple rapide, lyrique, jongleur, émotif et qu’un rien fait craquer. Puis qui se reprend tout de suite : les larmes sont à peine séchées qu’ils repartent à fond de train. Qui vient du Japon doit se faire à cette mobilité dont les Coréens n’ont d’ailleurs nulle vergogne. Nun-mul de opnum saram (un homme qui ne sait pas pleurer) est indigne de confiance, c’est juste un mauvais cœur, autant dire : un vaurien. Et ce n’est certes pas qu’ils manquent de nerf : aucun peuple d’Asie n’a traversé guerre aussi atroce en conservant autant de mordant et d’entrain. C’est que pleurer les décharge électriquement, comme les poissons gymnotes ou certaines anguilles. Il faut voir l’air dispos et comblé qu’ils ont après. »  
         
Lorsqu’elle était parvenue au bout de ses larmes, elle était pacifiée, d’attaque, récurée comme un chaudron : les Coréens avaient raison de dire que « l’homme sans larmes est un vaurien ».
  « En abordant, à la nuit tombante, le premier pierrier de la descente où il fallait assurer chaque | pas, et à l’idée de faire tout ce chemin à rebours, Éliane s’est mise à pleurer. Elle était pourtant meilleure montagnarde que moi et avait fait, dans les Alpes, des arêtes où je ne m’étais pas risqué. Il y a des moments où pleurer (pas se plaindre ni ergoter, juste pleurer) est la meilleure réponse à la question qu’on vous pose. Épanchement intérieur qui réconcilie et régénère. J’étais devant et l’entendais sangloter derrière moi tout en sautant d’un bloc à l’autre, comme un chamois, avec une sûreté absolue. Lorsqu’elle était parvenue au bout de ses larmes, nous avions atteint le grand plateau aux azalées ; elle était pacifiée, d’attaque, récurée comme un chaudron. Les Coréens avaient raison de dire que « l’homme sans larmes est un vaurien ». Des chevaux sortaient de toutes les directions de la nuit, d’un trot léger et musardeur, comme des écoliers en vacances, pour nous observer entre deux touffes de fleurs sombres, ou venir nous fourrer amicalement leur museau sous l’aisselle. Lorsque nous avons abordé la forêt du bas, la nuit était entièrement faite, le sentier doux aux pieds. Entre la cime des arbres palpitaient d’énormes étoiles. »  
 
 
     
 
     
 
 
     
 
     
 
 
     
 
     
 
 
     
 
 
     
 
 
     
 
 
     
 
 
     
 
 
     
 
 
     
 
 
     
 
 
     

   
G. Casanova (1725-1798), Mémoires : histoire de ma vie, chap. lxv ; Arléa, 1993, p. 817.
   
N. Bouvier (1929-1998), Journal d’Aran et d’autres lieux : feuilles de route (1990), « Les chemins du Halla-San, ou The old shittrack again », “Naw-won, fin d’après-midi” ; Payot, « Petite bibliothèque / Voyageurs », no 155, 1993, p. 137-138.
   
N. Bouvier (1929-1998), Journal d’Aran et d’autres lieux : feuilles de route (1990), « Les chemins du Halla-San, ou The old shittrack again », “Halla-san – Cinq heures du soir” ; Payot, « Petite bibliothèque / Voyageurs », no 155, 1993, p. 150-151.
   
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