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  Présence  

 

 
 
     
Avoir de la présence.
  « Avoir de la présence », dans le jargon du théâtre, c’est savoir captiver l’attention du public et s’imposer. C’est aussi être doué d’un je-ne-sais-quoi, qui provoque immédiatement l’identification du spectateur, avec le sentiment intense de vivre ailleurs et dans un éternel présent.  
      Selon une opinion courante des gens du métier, la présence serait le bien suprême à posséder du côté de l’acteur, et à éprouver du côté du public. Elle serait liée à une communication immédiate avec le corps du comédien perçu.  
La présence du comédien.
  La présence du comédien n’est pas forcément liée aux caractéristiques physiques de l’individu. Elle semble plutôt tenir à la vigueur de son être-là, dans une sorte d’énergie rayonnante dont on ressent les effets, l’évidence et le trouble, avant même que l’acteur ait agi ou pris la parole. Cette impression de « présence » révèle un aspect fondateur de l’expérience théâtrale.  
      La présence du corps se double de la présence de la scène, où se produit la rencontre de l’événement et de la fiction.  
         
Dès les premiers mots d’un débat, dès le premier tour de table, les téléspectateurs donnent leur adhésion plus ou moins consciente au participant dont la présence théâtrale domine le plateau
 

« La télévision, ou l’art du mensonge sincère. – La télévision a fait monter en graine l’un des arguments les plus inattendus pour avoir raison, je veux parler de la bonne gueule. Il s’agit moins d’esthétique objective que d’une impression générale d’expressivité physique, concentrée dans les traits du visage et le son de la voix. Dès les premiers mots d’un débat, dès le premier tour de table, les téléspectateurs donnent leur adhésion plus ou moins consciente au participant dont la présence théâtrale domine le plateau. Tout le monde a en tête de ces émissions où le crétin de belle apparence l’emporte sur ses contradicteurs plus sensés, mais moins télégéniques. Bien que contesté par certains professionnels de l’audiovisuel, ce phénomène inégalitaire constitue une règle admettant peu d’exceptions. (Présentant l’émission où il s’apprête à recevoir de jeunes romanciers (5 février 1999), Bernard Pivot lance aux téléspectateurs : « Vous verrez, c’est passionnant de découvrir de nouveaux visages. »)
J’entends bien que la dictature de l’apparence a existé avant la télévision. C’est une loi universelle et éternelle selon laquelle l’homme préfère donner son adhésion à celui qui le charme plutôt qu’à celui qui le convainc. (Du reste, charmer et convaincre sont souvent perçus comme synonymes.)
Je m’étonne que des gens intelligents, connaissant cette loi, foncent tête baissée dans la lucarne. Ou peut-être s’imaginent-ils que la Vérité, sortant de leur bouche comme du puits, daignera s’exposer nue comme une vulgaire playmate ? C’est pousser la naïveté assez loin.
Le règne de la nécessité contraint chacun à agir avec les seuls atouts dont il dispose. Quand l’atout est à cœur, il est idiot d’essayer de le forcer avec du pique. Si vous n’êtes pas fait pour la parade, cachez votre vilain nez au lieu de l’exposer au ridicule d’une confrontation qui vous prouvera que la nature ne savait pas ce qu’elle faisait en vous imaginant. Rester dans son désert, c’est aussi une façon d’avoir raison. »

 
         
         
         
         
         
         
         
         
         
         
         
         
         
         
         
         
         
         
         
         
         
         
         
         
         
         
         
         
         
         
         
         
         

   
G. Picard (1945-…), Petit traité à l’usage de ceux qui veulent toujours avoir raison (1999), « La télévision, ou l’art du mensonge sincère » ; Librairie José Corti, 1999, p. 47-48.
   
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