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  Mur  

  Les murs ont des oreilles. Les murs ont des portes. Ils sont parfois tellement épais qu’on peine à savoir ce qui se passe de l’autre côté. Et d’ailleurs, quel autre côté ?
Faire le mur, c’est déjà commencer à le défaire.
         
En prison, il n’y a pas de danger : regardez comme les murs sont épais, rien ne peut passer...
  « Moi, je suis célibataire, je n’ai pas de relations, je ne sors jamais de la prison. En prison, il n’y a pas de danger. Regardez comme les murs sont épais. Rien ne peut passer. Pas même les microbes. Ici, vous êtes en prison, bien entendu, mais il n’y a pas de danger. Vous pouvez vous considérer sain et sauf. La vraie prison est à l’extérieur. Choisissez : la prison ou la mort ? »  
 
 
     
Étant donné un mur...
  « Étant donné un mur, que se passe-t-il derrière ? »  
 
 
     
Admettre ce qui se passe outre les quatre murs (qui sont trois) contre lesquels l’homme, ce prisonnier de naissance, s’exténue
  « Il existe un monde invisible, inconnu, le vrai monde sans doute, dont le nôtre n’est qu’une frange, et que les nombres semblent traduire un peu dans le verbe des signes humains.
Nos limites sont extrêmes. L’honneur de l’homme sera d’avoir accepté cette prison et d’être un prisonnier de naissance, capable d’admettre ce qui se passe outre les quatre murs (qui sont trois) contre lesquels il s’exténue. »
 
         
On pourrait décrire aussi les habitants du cachot allégorique de Pascal, l’oreille collée au mur, devinant de l’autre côté de la muraille, des présences et des voix qu’ils ne parviennent pas à comprendre ni à déchiffrer. La littérature est ce passe-muraille qui tente de « faire passer » ce que disent les inconnus au-delà des murs
  « La communication coupée. – Dans le théâtre social des apparences, où personne ne parle vraiment à personne, où personne n’écoute personne et où personne ne répond, on fait grand tapage autour de ce qui manque le plus : les relations « humaines ». Les bateleurs sur | l’estrade n’ont que le mot communication à la bouche. On déplore gravement qu’un homme d’État en mauvais état ait des « problèmes de communication ». On se tourmente parce qu’un « message ne passe plus ». Et on annonce avec fierté qu’un personnage de la pièce vient d’engager à son service un « conseiller en communication ». Quant au contenu de la « communication », quant au sens du « message », il n’en est bien entendu jamais question.
Les vrais problèmes de « communication » entre les hommes n’ont aucun rapport avec les pitreries des experts en communication, des publicitaires et des manipulateurs de médias. Pascal inventa, deux siècles avant Kafka, le conte à la Kafka. Il décrivit notre vie comme une cellule où les captifs attendent qu’on vienne les chercher, à tour de rôle, pour l’exécution. On pourrait décrire aussi les habitants du cachot allégorique de Pascal, l’oreille collée au mur, devinant de l’autre côté de la muraille, des présences et des voix qu’ils ne parviennent pas à comprendre ni à déchiffrer. La littérature est ce passe-muraille qui tente de « faire passer » ce que disent les inconnus au-delà des murs. »
 
         
       
         
       
         
         
         
         
         
         
         
         
         

   
E. Ionesco (1909-1994), Jeux de massacre (1969), VI : « Scène de la prison » ; Gallimard, « Pléiade » : Théâtre complet, 1991, p. 989.
   
J. Tardieu (1903-1995), Un mot pour un autre (1951), « Petits problèmes et travaux pratiques », “L’espace”, i ; Gallimard, « Quarto » : Œuvres, 2003, p. 425.
   
J. Cocteau (1889-1963), « Préface » au livre de J.-R. Legrand, Méditations cabbalistiques sur des symboles traditionnels, 14 avril 1954 ; in Le passé défini : journal, « Annexes », xi, Gallimard, « NRF », t. iii, 1989, p. 341.
   
C. Roy (1915-1997), L’Étonnement du voyageur (1987-1989), « 1987 : Automne », “La communication coupée”, 9 octobre 1987 ; Gallimard, « NRF », 1990, p. 14-15.
   
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