Retour au menu
Dernière édition MMV - Ours - Minuit  
Épingle  
       
 

Épingle, épine : les deux mots ont un curieux air de famille, et ne sont séparés que d’un cheveu. La différence tient à l’art (épingle) et à la nature (épine).
Il faut dire aussi qu’on peut « monter en épingle » une affaire de rien, comme on monte le blanc d’œuf en neige : il suffit pour cela de mettre une « pointe d’épingle » en évidence, de la grossir, de la mettre en relief – bref, d’en faire une montagne.

       
Épingle, épine.
  « Champ. éplingue ; picard, épieule, épiule ; génev. épingue ; bas-latin, spindula, spinula ; du latin spinula, petite épine, d’après Diez. Scheler conteste cette étymologie, n’admettant pas l’intercalation d’un g ; l’allemand Spange, « agrafe », avec ses diminutifs dialectiques, spangel, spengel, spingel, lui paraissent expliquer plus naturellement la forme épingle. L’ancien français espille et le picard épieule représentent non spinula, mais spiculum. »
       
Petite pointe métallique garnie d’une tête, dont on se sert généralement pour la toilette
 

« Petite pointe métallique en fil de laiton garnie d’une tête, dont on se sert généralement pour la toilette. La pointe d’une épingle. Un quarteron d’épingles. S’enfoncer une épingle dans le doigt.
Mettre une épingle sur sa manche, afin de se souvenir de quelque chose. »

       
Tirer son épingle du jeu, se dégager adroitement ou sans perte d’une mauvaise affaire
  « Fig. et familièrement. Tirer son épingle du jeu, se dégager adroitement ou sans perte d’une mauvaise affaire ; locution qui vient d’un jeu de petites filles : elles mettent des épingles dans un rond, et, avec une balle qui, lancée contre le mur, revient vers le rond, elles essayent d’en faire sortir les épingles ; quand on fait sortir la mise, on dit qu’on retire son épingle du jeu. »
       
Je m’en soucie comme d’une épingle
  « Cela ne vaut pas une épingle, je n’en donnerais pas une épingle, je m’en soucie comme d’une épingle, j’en donnerais le choix pour une épingle ; toutes phrases qui se disent de choses qu’on regarde comme sans importance. »
       
Coups d’épingles.
 

« Fig. Coups d’épingles, petites offenses, petites contrariétés qu’on inflige à quelqu’un. »

       
L’hypnose et la poudre aux yeux des événements que l’actualité monte en épingle ne doivent jamais nous tromper sur ce qui importe…
  « L’hypnose et la poudre aux yeux des événements que l’actualité monte en épingle ne doivent jamais nous tromper sur ce qui importe. Le cinquantenaire de Radiguet, voilà l’événement type de notre monde à nous. Nul n’en tient compte. Silence total. »
       
Comme toujours, vous montez en épingle des utopies que, de plus, vous avez la mauvaise foi d’imaginer à partir d’informations venues de la science…

 

  « Le hasard fait que j’ai reçu coup sur coup, à titre de plaisanterie affectueuse (et bien intentionnée), trois ou quatre communications : “Ne fumez plus”, “Ne soyez pas triste”, “N’oubliez pas vos lunettes”, etc. Je pense alors : et si l’on supprimait l’impératif ? Si les hommes se donnaient le pouvoir de rayer de la langue tous ses morphèmes répressifs ? J’ai toujours été fasciné par cette histoire, qu’un ami avait cueillie pour moi dans un manuel de géographie : certaines peuplades d’Australie, à la mort d’un membre de la tribu, supprimait un mot du vocabulaire, en signe de deuil. C’était équivaloir le langage et la vie, affirmer que les hommes ont tout pouvoir sur la langue, qu’ils lui donnent des ordres, au lieu d’en recevoir.
– Comme toujours, vous montez en épingle des utopies que, de plus, vous avez la mauvaise foi d’imaginer à partir d’informations venues de la science (historique, ethnologique et même biologique : voir ce que vous avez écrit ici même sur le discontinu du réseau nerveux et la complexité de la communication neuronale.) Si quelque décret du gouvernement Barre supprimait l’impératif, d’abord : quel tollé ! Et puis, surtout, ce mode serait immédiatement remplacé dans l’usage par mille autres formes de commination. C’est d’ailleurs ce qui se passe, dans au moins deux de nos discours : celui de la Loi (« Il est interdit… », « Nul ne pourra… ») et celui de la Politesse, qui use de circonlocutions (« Auriez-vous l’obligeance de… ») En somme, vous êtes formaliste. C’est la forme impérative qui vous gêne.
– La forme est une trace. Il y a dans l’impératif une violence qui est encore plus manifeste lorsqu’il vous est adressé “pour votre bien”. Quoi qu’on en pense, l’impératif est l’indice d’une mainmise, il est un désir de pouvoir. »
       
       

 

   
É. Littré (1801-1881), Dictionnaire de la langue française, s.v. « Épingle », “Étymologie”.
   
É. Littré (1801-1881), Dictionnaire de la langue française, s.v. « Épingle », sens 1.
   
É. Littré (1801-1881), Dictionnaire de la langue française, s.v. « Épingle », sens 1.
   
É. Littré (1801-1881), Dictionnaire de la langue française, s.v. « Épingle », sens 1.
   
É. Littré (1801-1881), Dictionnaire de la langue française, s.v. « Épingle », sens 1.
   
J. Cocteau (1889-1963), Le passé défini : journal, 9 juin 1953 ; Gallimard, « NRF », t. ii, 1985, p. 145.
   
R. Barthes (1915-1980), « La chronique », “L’impératif”, Le Nouvel Observateur, 18 décembre 1978 – 26 mars 1979 ; Seuil, Œuvres complètes, t. iii, 1995, p. 977.
   

 

En haut de page