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Dernière édition MMV - Canicvla - Midi | |
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| Faire | ||
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qui fait problème ? Une constipation opiniâtre empêche de « faire », au sens fondamental : à proprement parler, bien faire est un plaisir, ou une simple affaire d’hygiène. Inversement, on n’ira pas faire tout un plat, ni flanc, ni fromage, – ni même foin, et encore moins une montagne – de ce qui ne fait pas problème. Dans la vie, faut-il s’en faire ? N’en déplaise aux faiseurs, la réponse est non, évidemment. (On connaît la chanson.) |
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Que les faits qui comptent soient fabriqués n’est pas un problème ;
que l’opposition célèbre entre « faits » et « valeurs »
ne tienne pas, n’est pas davantage un problème :
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« Étymologiquement,
le mot « fait », factum, désigne l’action, la production,
la fabrication. Que les faits soient fabriqués est une redondance de ce
point de vue, même si une longue lignée de philosophes (depuis Kant jusqu’aux
sociologues relativistes en passant par Bachelard) a répété la découverte
bouleversante que le « fait pur », offert sur un plateau aux
scientifiques par Dame Nature, est une fiction. Les scientifiques, dont
la méthodologie est exclusivement fondée sur les statistiques et l’accumulation
de faits « neutres », peuvent percevoir cela comme une attaque
méchante, mais les expérimentateurs, qui ont célébré le pouvoir des faits,
savent bien que le fait, produit par une expérience
de laboratoire, est « factice »
– au sens où il est fabriqué
au moyen d’un dispositif destiné à mettre en scène une réponse à une question
humaine. Tout fait expérimental exige ainsi de la part de l’expérimentateur
l’art des préparations, de la mise en scène, de la mesure. Que les faits qui comptent soient fabriqués n’est pas un problème. Que l’opposition célèbre entre faits et valeurs ne tienne pas, car la fabrication du fait implique des valeurs qui font la différence entre ce mode de fabrication et tout autre, n’est pas davantage un problème. C’est l’opposition lourde, et bien plus ancienne que les sciences modernes, entre véridique et fabriqué (factice) qui fait problème. L’être fabriqué, ou artefact, est censé renvoyer tout entier aux intentions, aux projets, aux fins du fabricant. L’horloger est seul responsable de ce que des rouages inertes, convenablement agencés, composent une horloge. Seuls les « fétichistes » honorent ce qu’ils ont eux-mêmes fabriqué, et la dénonciation des fétiches trace le fil d’une continuité polémique entre les monothéismes et la raison moderne. » |
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| I. Stengers & B. Bensaude-Vincent, 100 mots pour commencer à penser les sciences (2003), « Fait », Les Empêcheurs de penser en rond / Le Seuil, 2003, p. 152-153. | |
