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Dernière édition MMV - Équinoxe du printemps  
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  Si c’est indifférent, est-ce rien ?
Si c’est rien, on pourrait croire que c’est indifférent. Et pourtant, il n’en est rien. Le presque rien fait la différence, une différence aussi conséquente que la longueur du nez de Cléopâtre sur la face de l’univers.
       
Causes de la guerre : des différends sur des choses indifférentes.
  « Il me demanda quelles étaient les causes | ordinaires ou pour quels motifs un pays entrait en guerre avec un autre. Je répondis que les raisons étaient innombrables ; et que je ne pourrais guère mentionner que les plus importantes. Tantôt, c’est l’ambition des princes, qui jamais ne pensent avoir assez de terre ou d’hommes à gouverner ; tantôt, c’est la corruption des ministres, qui engagent leur maître dans la guerre, de façon à étouffer ou détourner la gronde de leurs sujets contre la gabegie. Les différences d’opinion ont coûté des millions de vie : par exemple, si la chair est du pain, ou le pain de la chair ? Si le jus de certains fruits est du sang ou du vin ? Si siffler est un vice ou une vertu ? S’il vaut mieux embrasser un bout de bois ou le jeter au feu ? Quelle couleur est la meilleure pour un vêtement, du noir, du blanc, du rouge ou du gris ? Et s’il doit être long ou court, étroit ou large, sale ou propre ? J’en passe, et des meilleures. Aucune guerre néanmoins n’est jamais si furieuse et sanglante, jamais elle ne fait si long feu, que lorsqu’elle éclate sur une différence d’opinion, surtout si elle porte sur une chose indifférente. »
       
     
       
     
       
     
       
     
       
     
       
       

 

   
J. Swift (1667-1745), Voyages de Gulliver (1726), IVe partie, « Voyage chez les Houyhnhnms », chap. v : He asked me : what were the usual causes or motives that made one country go to war with another ? I answered : they were innumerable ; but I should only mention a few of the chief. Sometimes the ambition of princes, who never think they have land or people enough to govern ; sometimes the corruption of ministers, who engage their master in a war, in order to stifle or divert the clamour of the subjects against their evil administration. Difference in opinions has cost many millions of lives : for instance, whether flesh be bread, or bread be flesh ; whether the juice of a certain berry be blood or wine ; whether whistling be a vice or a virtue ; whether it be better to kiss a post, or throw it into the fire ; what is the best colour for a coat, whether black, white, red, or grey ; and whether it should be long or short, narrow or wide, dirty or clean ; with many more. Neither are any wars so furious and bloody, or of so long a continuance, as those occasioned by difference in opinion, especially if it be in things indifferent. – Gallimard, « Pléiade » : Œuvres, 1965, p. 253-254.
   

 

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