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  Méthode  

  Ce vocable a connu un tel succès qu’on le cite en l’occurrence avec la plus grande réserve. La prolifération récente de "méthodologies" de tous poils est l’indice d’une perversion : que de petits Descartes, depuis 1637 !
Donc, nous prenons ici la méthode avec des pincettes, et dans un sens assez précis : l’art de poser et de résoudre un problème déterminé.
La démarche de Jean Piaget en fournit un exemple judicieux.
         
Les problèmes et les méthodes dans la psychologie de l’enfant.
  « Le problème dont nous nous proposons l’étude est l’un des plus importants, mais aussi l’un des plus difficiles de la psychologie de l’enfant : quelles sont les représentations du monde que se donnent spontanément les enfants au cours des différents stades de leur développement intellectuel ? Ce problème se présente sous deux aspects essentiels. C’est, d’une part, la question de la modalité de la pensée enfantine : quels sont les plans de réalité sur laquelle se meut cette pensée ? Autrement dit, l’enfant a-t-il, comme nous, la croyance à un monde réel et distingue-t-il cette croyance des diverses fictions de son jeu ou de son imagination ? Dans quelle mesure l’enfant distingue-t-il le monde extérieur d’un monde interne ou subjectif, et quelles coupures fait-il entre le moi et la réalité objective ? Toutes ces questions constituent un premier problème, celui de la réalité chez l’enfant.
Une seconde question fondamentale est liée à celle-là : c’est celle de l’explication chez l’enfant. Quel emploi l’enfant fait-il des notions de cause et de loi ? Quelle est la structure de la causalité enfantine ? On a étudié l’explication chez les primitifs, l’explication dans les sciences, les divers types d’explications philosophiques. L’enfant nous offrira-t-il un type original d’explication ? Autant de questions qui constituent un second problème : celui de la causalité enfantine. C’est de la réalité et de la causalité chez l’enfant que nous entendons traiter dans ce livre, ainsi que dans un ouvrage ultérieur La causalité physique chez l’enfant. On le voit d’emblée, ces problèmes sont distincts de ceux que nous avons étudiés au cours d’un ouvrage précédent*. Alors que nous nous proposions l’analyse de la forme | et du fonctionnement de la pensée enfantine, nous abordons maintenant l’analyse de son contenu. Les deux questions se touchent de près mais peuvent sans trop d’arbitraire être distinguées. Or, la forme et le fonctionnement de la pensée se découvrent chaque fois que l’enfant entre en contact avec ses semblables ou avec l’adulte : elle est une manière de comportement social, qui peut s’observer du dehors. Le contenu, au contraire, se livre ou ne se livre pas, suivant les enfants et suivant les objets de la représentation. Il est un système de croyances intimes, et il faut une technique spéciale pour arriver à les dépister. Il est surtout un système de tendances, d’orientations d’esprit, dont l’enfant lui-même n’a jamais pris conscience et n’a jamais parlé.
Dès lors il n’est pas seulement utile, il est indispensable de s’entendre avant toutes choses sur les méthodes que nous comptons employer pour l’étude des croyances enfantines. Pour juger de la logique des enfants, il suffit souvent de causer avec eux ; il suffit aussi de les observer entre eux. Pour juger de leurs croyances, il faut une méthode spéciale, dont nous avouons d’emblée qu’elle est difficile, laborieuse, et qu’elle nécessite un coup d’œil supposant au moins une ou deux bonnes années d’entraînement. Les aliénistes accoutumés à la clinique comprendront immédiatement pourquoi. Pour apprécier à sa juste valeur tel propos d’enfant, il faut prendre, en effet, des précautions minutieuses. Ce sont ces précautions dont nous voudrions dire tout d’abord quelques mots, car, à les ignorer, le lecteur risquerait de fausser complètement le sens des pages qui vont suivre et risquerait surtout de dénaturer les expériences que nous avons faites, s’il se décide, comme nous l’espérons, à les reprendre et à les contrôler lui-même. »
 
         
       
         
       
         
       
         
       
         
       
         
         
         
 
 
     
 
 
     
 
 
     
 
 
     
 
 
     
 
 
     

   
Études sur la logique de l’enfant : vol. I : Le langage et la pensée chez l’enfant (1923) ; vol. II : Le jugement et le raisonnement chez l’enfant (1924).
   
J. Piaget (1896-1980), La représentation du monde chez l’enfant (1947), « Introduction : les problèmes et les méthodes » ; P.U.F., « Quadrige », 2003, p. 5-6.
   
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